"On trouve des armes de fabrication franco-allemande aux mains de Daech"

Armement fabriqué par Daech et saisi par les forces kurdes à Kobane.
Armement fabriqué par Daech et saisi par les forces kurdes à Kobane. © Conflict Armament Research
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ARMEMENT - Selon un rapport d'Amnesty International, l’organisation Etat islamique dispose d’un arsenal de guerre impressionnant provenant essentiellement de pillages de stocks en Irak et en Syrie.

C’est un arsenal qui donne le vertige. Missiles anti-chars, fusils d’assaut de type AK, M16 ou encore fusils semi-automatiques Bushmaster, lance-grenades GP-25, missiles transportables antiaériens légers : la liste des armes dont dispose Daech est longue. Et dans cet arsenal, Amnesty International est catégorique : il y a des armes de fabrication franco-allemande.

Mais peut-on pour autant affirmer qu’elles viennent de France ? La réponse est complexe. "On sait que la France a armé les rebelles modérés en Syrie (ceux qui combattent Daech et le régime de Bachar al-Assad). François Hollande l’avait déclaré en août 2014", rappelle Aymeric Elluin, chargé de campagne Armes et Impunité pour Amnesty International France.

"Mais on est incapable de dire ce que la France a fourni comme armes. Néanmoins, on retrouve dans les mains de Daech, des missiles de fabrication franco-allemande, des missiles anti-chars (Milan)", souligne le spécialiste, sous-entendant que les armes fournies par la France aux rebelles modérés ont ensuite pu être récupérées par l’organisation Etat islamique lors de combats avec les rebelles.

" L’organisation Etat islamique avait récupéré des stocks d’armes permettant d’équiper l’équivalent de trois divisions, soit environ 40.000 hommes "

Un arsenal digne d’une armée conventionnelle. En effet, la saisie d’armes sur le terrain de guerre est l’une des principales sources d’approvisionnement pour Daech. Soit les combattants récupèrent les armes de soldats syriens ou irakiens qui ont pris la fuite, soit elle saisit des stocks entiers. "Lorsque l’EI a pris la ville de Mossoul, en juin 2014, l’organisation a mis la main sur tout un stock d’armes et de munitions de l’armée irakienne", explique Patrick Wilcken, qui a participé à la rédaction d’un rapport d’Amnesty International sur l’arsenal de Daech, en s'appuyant sur les analyses d'experts de milliers de vidéos et d'images.

Ces armements, majoritairement pillés dans les stocks militaires irakiens, ont été fabriqués et conçus dans plus de 20 pays différents, dont la Russie, la Chine, les États-Unis et des États européens. "Les Nations Unies ont expliqué en 2014 que l’organisation Etat islamique avait récupéré des stocks d’armes permettant d’équiper l’équivalent de trois divisions, soit environ 40.000 hommes", détaille Aymeric Elluin. "Et aujourd’hui Daech dispose de tout l’arsenal d’une armée conventionnelle : artillerie, obusiers, lance-missiles anti-chars, lance-missiles antiaériens, mitrailleuses lourdes, mitrailleuses légères, armes de poing", énumère-t-il.

Limiter la prolifération. Pour l’ONG, il y a donc aujourd’hui nécessité à limiter la prolifération d’armes dans cette région, car "on sait très bien qu’il y a un risque que les armes - fournies par l'Occident aux rebelles - finissent dans les mains de Daech", estime le spécialiste. Amnesty souligne également dans son rapport "des transferts d'armes peu réglementés à destination de l'Irak, ainsi que des contrôles poreux sur le terrain", et ce depuis des décennies.

Outre les saisies de stocks, le trafic illégal d’armes et de munition sont également une source d’approvisionnement pour l’organisation terroriste. "Des armes belges vendues au Qatar ont été interceptées en Libye alors qu’elles s’apprêtaient être transférées vers le Liban. Des armes chinoises ont également été retrouvées. Et on a aussi constaté que, très souvent, ce trafic illicite passe par la Turquie", détaille Aymeric Elluin, qui dénonce "des complicités au niveau régional et étatique".

Pour Amnesty International, il est essentiel que les Etats s’engagent à renforcer leurs contrôles avant et après livraison et à stopper la fourniture d’armes s’il existe un risque de détournement. En ce qui concerne la France, "il est nécessaire que le gouvernement soit plus transparent sur les armes qu’il a fourni aux rebelles syriens", conclut Aymeric Elluin, ajoutant que l’exécutif français doit être capable d’expliquer "comment des équipements franco-allemands se retrouvent aujourd’hui aux mains de Daech".  

LES ARMES DE DAECH EN FAITS ET EN CHIFFRES

Amnesty a recensé plus de 100 types d’armes et de munitions différents, venant de 25 pays différents, utilisées en Irak et en Syrie par l’organisation Etat islamique.

Tous les pays qui figurent au Conseil de sécurité de l’ONU (Chine, États-Unis d'Amérique, Fédération de Russie, France et Royaume-Uni) ont fourni des armes à l’Irak ces dix dernières années. Des armes désormais aux mains de l’EI.

Ces armes datent des années 70 ou 80 mais pas seulement. Amnesty pointe aussi un approvisionnement « irresponsable » par les Etats-Unis entre 2011 et 2013 vers l’Irak.