Localisation du corps, cause de la mort : les deux questions toujours en suspens après la mort d'Alexeï Navalny

Alexeï Navalny, célèbre opposant à Vladimir Poutine, est décédé vendredi dernier en prison.
Alexeï Navalny, célèbre opposant à Vladimir Poutine, est décédé vendredi dernier en prison. © YING TANG / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP
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Romain Rouillard / Crédit photo : YING TANG / NURPHOTO / NURPHOTO VIA AFP , modifié à
La mort d'Alexeï Navalny, annoncée vendredi par les agences de presse russe, reste entourée de mystères. Notamment à propos des causes de la mort de l'opposant russe mais aussi autour de la localisation de son corps. Le Kremlin se contente de répéter à l'envi qu'une enquête est "en cours".  

Alexeï Navalny est mort. Pour le reste, difficile d'arracher aux autorités russes plus amples informations à propos de la disparition de l'opposant russe, âgé de 47 ans. Ennemi numéro 1 de Vladimir Poutine sur la scène politique du pays, il purgeait, dans une colonie pénitentiaire de Sibérie, une peine de 19 ans de prison pour "extrémisme". Et ce, quelques années après avoir été empoisonné au Novitchok, un puissant neurotoxique développé à l'époque de l'Union Soviétique. Un acte qu'Alexeï Navalny a toujours imputé au Kremlin mais qui ne l'a pas empêché de rentrer en Russie, après une convalescence en Allemagne. Il avait été arrêté dès son arrivée à l'aéroport de Moscou.  

Le corps localisé dans un hôpital de Sibérie ?

Vendredi, les services pénitentiaires russes (FSIN) ont annoncé son décès mais, trois jours plus tard, sa famille n'a toujours pas eu accès à son corps dont la localisation constitue l'un des principaux points d'interrogation entourant cette mort. Sur l'avis de décès remis à Lyudmila Navalnaïa, la mère d'Alexeï Navalny, il était indiqué que la dépouille de son fils, d'abord transférée à l'hôpital de Labytnangi, se trouvait à la morgue de Salekhard, située à environ 50km de la prison où il purgeait sa peine. 

L'intéressée décide donc de s'y rendre avant de recevoir une information contradictoire des employés de la morgue, certifiant que le corps d'Alexeï Navalny n'y reposait pas. Même scénario ce lundi matin, à en croire Kira Iarmich, porte-parole de l'opposant. "La mère d'Alexeï et ses avocats sont arrivés à la morgue tôt ce matin. Ils n'ont pas été autorisés à entrer. L'un des avocats a littéralement été repoussé à l'extérieur", a-t-elle déclaré sur X (ex-Twitter). Pour sa part, le média d'opposition Novaïa Gazeta assure ce lundi matin que le corps de Navalny a été localisé à l'hôpital du district de Salekhard. Une information qui n'a pas encore été officiellement confirmée.

 

De son côté, le Kremlin justifie cette confiscation du corps de l'ennemi juré de Poutine par une "enquête en cours" qui n'a "pour l'instant" pas donné de résultats. Selon l'équipe de l'opposant, les enquêteurs prévoient d'examiner son corps pendant au moins "14 jours". D'après Evguéni Smirnov, un avocat de l'ONG spécialisée Pervy Otdel, les enquêteurs peuvent légalement conserver jusqu'à 30 jours le corps d'une personne décédée en prison. "La cause du décès est toujours 'indéterminée'. Ils mentent, jouent la montre et ne le cachent même pas", a fustigé Kira Iarmich.

Un "syndrome de mort subite"

Les raisons de la mort d'Alexeï Navalny constituent justement l'autre grand mystère qui plane autour de cette affaire. Sa santé était au centre de toutes les inquiétudes, en raison notamment des conditions de détention, parfois extrêmement rudes, qu'il subissait. "Il y a déjà des détails et des signaux inquiétants au sujet de Navalny depuis quelques mois. Notamment sur son état de santé, pour lequel il ne bénéficiait pas de traitement. Il n'avait pas eu non plus de visite médicale", nous expliquait, en décembre dernier, Carole Grimaud, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie. 

À ce stade, impossible toutefois d'établir un lien entre la dureté de cette détention et sa mort. Selon les services pénitentiaires russes (FSIN), Alexeï Navalny est décédé suite à un malaise survenu après une promenade. Un responsable évoque même un "syndrome de mort subite", tandis que les médias officiels faisaient état d'une thrombose. 

"Tous les gestes de réanimation nécessaires ont été pratiqués, mais n'ont pas donné de résultats positifs. Les médecins urgentistes ont constaté la mort du patient", a fait savoir, dans un communiqué, le FSIN de la région arctique de Iamal. "Je peux dire que les blessures décrites par ceux qui les ont vus semblaient provenir de convulsions. Si une personne a des convulsions et que d'autres essaient de la retenir mais que les convulsions sont très fortes, alors des ecchymoses apparaissent", ajoute un ambulancier interrogé par Novaia Gazeta, selon qui Alexeï Navalny est bien mort d'un arrêt cardiaque, mais dont la cause reste désespérément inconnue. Autant dire que le flou règne en maître. 

Pour l'heure, Vladimir Poutine n'a pas commenté la mort de son opposant numéro 1. Pourtant, de nombreux dirigeants internationaux n'ont pas hésité à accuser Moscou d'être directement impliquée dans la mort d'Alexeï Navalny, ce que réfute fermement le Kremlin. "En l'absence d'information, nous pensons qu'il n'est absolument pas permis de faire des déclarations aussi odieuses", a ainsi réagi son porte-parole, Dmitri Peskov.