Mort d’Alexeï Navalny : la fin de 13 ans d’opposition à Vladimir Poutine

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Sylvain Allemand // Crédits : AFP
Figure de l’opposition à la mainmise de Vladimir Poutine sur la Russie, Alexeï Navalny est mort ce vendredi dans sa prison sibérienne à l’âge de 47 ans. En un peu plus de 10 ans, cet avocat de formation est devenu la bête noire d’un Kremlin qui n’a pas cessé d’essayer de le réduire au silence. 

"Dans la Russie d'aujourd'hui, on met les esprits libres au goulag et on les y condamne à la mort". C’est par ces mots qu’Emmanuel Macron a réagi au décès de l’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine. Alexeï Navalny est mort ce vendredi dans sa prison située dans l’Arctique. Condamné pour corruption, il y purgeait une peine de 19 ans d’emprisonnement. Une réclusion qui n’avait cessé d’être dénoncée par les instances internationales et qui montrait que l’avocat était devenu au fil des années une personne à abattre aux yeux du maître du Kremlin. 

Un premier coup d'éclat en 2011

Vladimir Poutine est en décembre 2011 le premier ministre d’un Dmitri Medvedev sous son contrôle. L’ancien agent du KGB gagne, sans surprise, les élections législatives aisément. Pour la première fois depuis plusieurs années, une partie du peuple russe décide d’organiser des manifestations monstres pour dénoncer des scrutins paraissant frauduleux. C’est à ce moment précis, qu’Alexeï Navalny sort de l’anonymat et réalise son premier coup d’éclat : la création du slogan “Une Russie sans Poutine”. Un affront qui ne restera pas longtemps impuni. Navalny sera emprisonné dès le 5 décembre avant d’être libéré par la suite. Durant cette période, une partie de la société russe tombe sous le charme du charismatique opposant.  

Une popularité qu’il lui vaudra, selon ses sympathisants, d’être condamné à cinq ans de camp pour détournement d’argent durant l’été 2013. Une peine qui se transformera en sursis qui n’empêchera pas la nouvelle coqueluche de se présenter aux élections municipales moscovites la même année. Durant, la campagne Navalny multiplie les attaques contre la politique poutinienne. Il perd finalement les élections au premier tour face à Sergueï Sobianine, proche du chef du Kremlin, mais il devient officiellement l’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine. 

L’opposant le plus craint par Poutine 

Malgré cette défaite au premier tour, qui aurait pu être rassurante pour Vladimir Poutine, le chef du Kremlin veut désormais faire disparaître cette opposition. Le chef d’Etat craint désormais cet avocat qui a décidé de dénoncer publiquement la corruption mise en place par les proches du pouvoir. “Navalny était quelqu'un qui forçait l'admiration et qui n'avait pas peur. Cela inquiétait beaucoup Poutine qui n'est pas si fort qu'on ne le pense”, explique à Europe 1 Hélène Blanc, politologue et auteure du livre Goodbye Poutine. De plus, l’avocat avait ciblé l’un des rares points faibles du pouvoir dans l’opinion politique : la corruption. Via sa société vidéo, Navalny révélait les compromissions de l’entourage étroit du Kremlin. “Il a montré aux Russes comment la corruption était au cœur du maintien du pouvoir de Poutine. De plus, il plaisait aux jeunes et ça cela est dangereux pour le pouvoir”, ajoute l’experte. 

Malgré l’animosité de Poutine à son égard, Navalny annonce sa candidature à l’élection présidentielle de 2018. Il est déclaré inéligible à cause de sa condamnation de 2013. Deux ans plus tard, les griffes du Kremlin commencent à se refermer de plus en plus dangereusement sur l’opposant. Il est plusieurs fois arrêté en lien avec l’organisation de manifestations appelant à boycotter l’élection présidentielle russe. Il purge alors des peines de prison allant jusqu’à une trentaine de jours. 

Cible d'un empoisonnement 

En août 2020, Navalny est hospitalisé en urgence. L’opposant échappe à une tentative d’empoisonnement au Novitchok. Sauvé de justesse, Alexeï Navalny accuse alors Vladimir Poutine, tandis que Moscou qualifie cette attaque d’"inacceptable". Alors qu’il était en sécurité en Allemagne, il décide de retourner en Russie après sa convalescence. "Il a décidé de retourner en Russie car il était très attaché à sa terre natale et il pensait que le combat contre Poutine ne pouvait être mené depuis l'étranger", indique Hélène Blanc. Il est arrêté dès son arrivée à l’aéroport ce qui provoque des manifestations dans le pays. Deux jours plus tard, ses proches publient des informations prouvant, selon eux, que Vladimir Poutine possède un vaste patrimoine financier. Une révélation qui engrange des millions de vues sur YouTube. 

C’est à partir de ce moment-là que la colère du Kremlin passe un cap. Le 4 août 2023, Alexeï Navalny est condamné à sa plus lourde peine : 19 ans de prison pour "extrémisme". Le 25 décembre, sa porte-parole annonce qu’il a été transféré dans la colonie pénitentiaire dans l’Arctique russe où il perdra la vie.