Libéralisme, sécurité et autoritarisme : les trois promesses de Bolsonaro pour la société brésilienne

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Le grand favori de la présidentielle brésilienne défend un programme assez flou, qui allie mesures sécuritaires, répression des minorités et ultra-libéralisme.

Sur la première des 81 pages que compte son programme, Jair Bolsonaro résume bien son projet. "Le Brésil au-dessus de tout, Dieu au-dessus de tout", proclame le favori du second tour de l'élection présidentielle brésilienne qui se tient dimanche. Si la référence (assumée) au "Deutschland über alles" utilisé par le IIIe Reich offre un avant-goût des mesures autoritaristes, elle ne dit pas grand-chose de concret. Et de fait, les propositions du "Trump des tropiques" s'apparentent plus à de grands axes de transformation de la société brésilienne qu'à des mesures précises et détaillées.

Un important volet sécuritaire

Le premier est celui de la sécurité. Peu surprenant pour le candidat à la présidentielle d'un pays entré l'année dernière dans le top 10 des plus violents au monde avec près de 64.000 homicides, soit plus de sept toutes les heures. Mais les solutions que Jair Bolsonaro proposent sont pour le moins décoiffantes. Outre des investissements accrus dans les forces armées, le populiste d'extrême droite souhaite mieux protéger juridiquement policiers et militaires lorsqu'ils abattent des personnes soupçonnées de crime. Ce qui laisse, notent les opposants de Jair Bolsonaro, quasiment carte blanche pour les bavures. Le candidat, lui, assume. "Si un policier tue dix, quinze, vingt personnes, il doit être décoré, pas poursuivi", affirmait-il avant le premier tour.

Il prône également la fin des aménagements de peine et l'abaissement de la majorité pénale de 18 à 16 ans. Enfin, au nom de la "légitime défense du citoyen, de sa famille et de sa propriété", Jair Bolsonaro veut revenir sur la loi de 2003 qui avait mis fin, au Brésil, au libre port d'armes. Mais les modalités exactes de ce qu'il souhaite sur le sujet ne sont pas arrêtées. Pour l'instant, le candidat a simplement expliqué qu'il s'agissait de permettre aux "gens biens" de s'armer.

Ce volet sécuritaire doit s'accompagner d'une lutte plus intense contre la corruption. Endémique au Brésil, ce fléau est notamment responsable de la faiblesse de l'adversaire de Jair Bolsonaro, Fernando Haddad, désigné au pied levé candidat du Parti des Travailleurs après l'empêchement de Lula, emprisonné pour corruption. La popularité de Jair Bolsonaro s'explique donc en partie par le fait qu'il incarne celui qui viendra à bout des pots de vin et détournements de fonds si courants. Mais les dispositions concrètes se font encore attendre. Le candidat a simplement proposé de réduire le nombre de ministères par deux pour éviter les arrangements entre partis et d'augmenter le nombre de juges à la Cour Suprême.

Un libéralisme débridé

Du côté de l'économie, Jair Bolsonaro est un candidat qui réjouit les marchés boursiers, et pour cause : il prône un recentrage de l'État sur les fonctions purement régaliennes (armée, police, justice) et un libéralisme débridé. Privatisation des entreprises publiques et vente des propriétés foncières de l'État doivent permettre, selon le candidat, de résorber le déficit brésilien (7,8% du PIB en 2017) et de rembourser la dette (74,5% du PIB début 2018).

" Ce que me disent les entrepreneurs, et je suis d'accord avec eux, c'est que le travailleur va devoir choisir : moins de droits et plus d'emplois ou plus de droits et du chômage. "

Jair Bolsonaro souhaite également libéraliser le droit du travail en revenant sur les droits des travailleurs. Une nécessité, selon lui, pour lutter contre le chômage. "Ce que me disent les entrepreneurs, et je suis d'accord avec eux, c'est que le travailleur va devoir choisir : moins de droits et plus d'emplois ou plus de droits et du chômage", résumait-il en février dernier.

Enfin, le candidat se prononce résolument en faveur de l'agrobusiness, ce qui aurait bien sûr des conséquences en termes de politique environnementale. Le représentant du Parti social-libéral, qui avait dit ne plus vouloir d'un ministère de l'Environnement avant de revenir sur ses propos, compte autoriser des projets industriels, hydrauliques et miniers dans des zones protégées, notamment la forêt amazonienne, dont les 3/5e se trouvent au Brésil. À tel point que, le 19 octobre dernier, un groupe d'ONG de défense de l'environnement comprenant notamment Greenpeace et le WWF, ont diffusé une lettre ouverte pour dénoncer un programme qui pourrait faire "exploser" la déforestation. En revanche, jeudi, Jair Bolsonaro a mis un peu d'eau dans son vin concernant l'Accord de Paris. Sous certaines conditions, il le maintiendra, a-t-il déclaré. Parmi ces conditions, l'inscription "noir sur blanc" qu'il ne sera pas question "de l'indépendance des terres indiennes".

De l'autoritarisme et une bonne dose de conservatisme sociétal

Car en cas d'arrivée au pouvoir, Jair Bolsonaro a prévenu, "l'Indien n'aura plus un centimètre de terre". Et, plus généralement, les minorités n'auront pas voix au chapitre. Interrogée par FranceInfo, l'historienne spécialiste du Brésil Maud Chirio pointe le risque de voir déposer une "loi de la majorité". " Il s'agit en fait d'imposer la norme de la majorité aux Indiens, aux homosexuels, aux Noirs, aux militants de gauche, aux minorités et aux oppositions", explique-t-elle. "Derrière cette loi de la majorité, il y a l'idée d'une communauté 'pure', c'est-à-dire blanche, chrétienne, hétérosexuelle et propriétaire. Les autres ne pourront pas réclamer de droits ou une protection." Le vice-président choisi par Jair Boslonaro, Hamilton Mourao, ancien général à la retraite d'origine amérindienne, vante ainsi "le blanchiment de la race".

Cette négation des droits des minorités se double d'un mépris affiché pour certaines dispositions de la Constitution et d'un goût prononcé pour les méthodes autoritaires. En effet, les terres indigènes sont (pour l'instant) protégées par les textes fondamentaux brésiliens. Les récentes déclarations de Jair Bolsonaro laissent donc présager un retour en arrière. Par ailleurs, le candidat est un grand admirateur de la dictature militaire qui a sévi au Brésil entre 1964 et 1985, dont il vante les méthodes répressives.

Enfin, le représentant du Parti social-libéral, proche des milieux catholiques, est le partisan d'un conservatisme sociétal affirmé. Pourfendeur d'une éducation jugée trop libertaire, il défend plus de mathématiques, de science et de portugais à l'école, "sans endoctrinement ni sexualisation précoce". Des affirmations souvent sans fondements : Jair Bolsonaro a déjà pris pour exemple des "kits gay" qui seraient distribués aux élèves, ce qui se réfère en réalité à un projet de manuel contre l'homophobie finalement jamais mis en œuvre.

 

En face, un programme plus étatiste et (un peu plus) progressiste

Fernando Haddad, le candidat du Parti des travailleurs, a un programme opposé à celui de Jair Bolsonaro sur quasiment tous les points. Economiquement, il est contre les privatisations et veut renforcer la lutte contre l'évasion fiscale. Du côté de l'environnement, la lutte contre la déforestation est sa priorité. Favorable au planning familial, il reste contre l'assouplissement du droit à l'avortement, aujourd'hui très restreint.

Mais c'est surtout en matière de sécurité que Fernando Haddad se démarque. Pour lui, il est nécessaire de mieux encadrer les armes en circulation. Quant à la corruption, c'est un sujet très sensible pour celui qui vient remplacer au pied levé un candidat, Lula, empêché par ses propres scandales. Fernando Haddad se contente donc de prôner plus de "transparence".