Les fusillades aux Etats-Unis : l'histoire sans fin

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ANALYSE - Barack Obama a une nouvelle fois exprimé sa lassitude après la fusillade de San Bernardino, qui a fait 14 morts. Pour autant, l'histoire risque de se répéter. 

C’est le pire carnage depuis 2012. Mercredi, un couple de tireurs a tué 14 personnes lors d’une fête professionnelle de fin d’année des employés de San Bernardino, en Californie. Les suspects ont été abattus quelques heures plus tard. La piste terroriste se précise de jour en jour, l'enquête a ainsi été requalifiée vendredi en "acte de terrorisme". Tashfeen Malik, la femme suspecte, a ainsi fait allégeance au groupe Etat islamique. "Nous ne nous laisserons pas terroriser", a réagi samedi Barack Obama. 

La question des armes à feu et de leur libre circulation pose de nouveau question. Mais pour Nicholas Dungan, chercheur à l’Atlantic Council à Washington, conseiller auprès de l’Iris et enseignant à Sciences Po, rien ne changera. Les blocages sont beaucoup trop nombreux et trop enracinés dans l’histoire américaine pour que les choses évoluent un jour, selon le spécialiste interrogé par Europe 1.

Le Congrès et l’industrie de l'armement, mains et poings liés. "Le principal problème, c’est l’industrie de l’armement qui est immensément riche, Wallmart est par exemple le plus gros vendeur d’armes à feu dans le monde. Et cette industrie soutient les membres du Congrès", explique Nicholas Dungan.

Entendu sur europe1 :
Le 'gun lobby', le lobby des armes, contribue énormément aux campagnes des sénateurs et des représentants.

Or, le Congrès qui est donc redevable à ses contributeurs, "a la responsabilité de la vaste majorité de l’élaboration de la politique interne", souligne Nicholas Dungan. La présidence n’a qu’un pouvoir limité sur cette question. On voit donc mal comment pourrait évoluer la législation sur les armes à feu avec un Congrès financé en partie par l’industrie de l’armement.

"Le port d’armes fait partie de la vie des Américains". Autre problème : le port d’armes est complètement passé "dans les mœurs des Américains". "Il fait partie de leur vie", dit encore Nicholas Dungan. On ne le répète que trop souvent mais le port d'armes est institué par le deuxième amendement de la Constitution.  

Obama "a fait une erreur". Comme après chaque fusillade, la population américaine découvre le même visage grave d’Obama. "Nous ne devons jamais croire que ces choses font partie du cours normal des événements parce que cela ne se produit pas aussi fréquemment dans les autres pays", a déclaré mercredi le président américain, en appelant de nouveau les responsables politiques à saisir de cette question. Mais pour Nicholas Dungan, c’est peine perdue. "Le congrès déteste Obama depuis le premier jour. Il a cru pouvoir gouverner avec son  charisme et faire appel au bon sens de la population sur cette question. Mais, il ne peut atteindre avec ce message que la partie du public américain dotée d’une sensibilité européenne", assure-t-il.

Obama a, de plus, "fait une erreur". A la question : "quel sujet marquera votre présidence ?" Le président américain a, dans une interview, répondu qu'il espérait que ce soit sa capacité à faire bouger les choses sur les armes. "Il n’aurait pas dû prendre ce problème personnellement", estime Nicholas Dungan.

Les déclarations d’Hillary Clinton ? "De la rhétorique politique". Candidate à la primaire démocrate, Hillary Clinton a elle aussi réagi après la fusillade de San Bernardino. "Je refuse d’accepter cette situation comme normale", a-t-elle déclaré. "Son but n’est pas d’abolir les armes à feu mais de se faire élire", soutient le chercheur, "un tel plaidoyer sied bien à son public social-démocrate".

"Hillary Clinton fait donc des déclarations mais il n’y a aucune exigence d’action derrière, c’est de la rhétorique politique", affirme-t-il. "C’est de toute façon tellement difficile à débloquer", ajoute-t-il. Aucune chance donc que cela évolue un jour et que cette spirale infernale prenne fin ? "Forget it" (Oubliez, ndlr.), conclut Nicolas Dungan.