Le prince Philip, ce déraciné du gotha européen "qui n'était jamais chez lui"

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Europe 1 , modifié à
Invité samedi sur Europe 1 à réagir à la mort du prince Philip, l'historien Jean des Cars a tenu à rappeler les origines royales et tourmentées de l'époux de la reine d'Angleterre, arraché à son pays dans l'enfance, et qui a difficilement trouvé une nouvelle patrie au Royaume-Uni.
INTERVIEW

Avec le prince Philip, mort vendredi à l’âge de 99 ans, ne disparait pas seulement l’une des grandes figures de la royauté britannique, mais également l’un des derniers héritiers de l’Europe d’avant-guerre, celle des grandes monarchies. "Le prince Philip était une mémoire de l’Europe", a résumé samedi, au micro d’Europe 1 l’historien Jean des Cars, spécialiste des têtes couronnées. Héritier des maisons royales de Grèce et de Danemark, Philip était apparenté à plusieurs familles princières, mais les soubresauts de l’histoire en ont fait un déraciné, longtemps en quête d'identité.

Bringuebalé de terre d'exil en terre d'exil

"Le prince Philip de Grèce, né le 10 juin 1921 sur une table de cuisine dans une villa à Corfou, représente par ses ascendances danoises, russes et allemandes une mémoire européenne", poursuit Jean des Cars, qui rappelle que le tout jeune prince a été contraint de fuir son pays après l’abdication de son oncle, Constantin Ier de Grèce. Il est alors bringuebalé de terre d’exil en terre d’exil. "C’est une sorte de SDF du gotha européen, qui n’était jamais chez lui, toujours chez les autres, en vacances, hébergé. Après la Grèce ce sera Saint-Cloud, en France, (le prince s’exprimait d’ailleurs dans un français quasi-parfait, ndlr) puis il sera envoyé en Allemagne et en Écosse."

"Cet humour un peu grinçant, choquant par moment, était une façon d’exister"

En débutant en 1934 sa scolarité au pensionnat de Gordonstoun, au nord d’Inverness, Philip semble définitivement se fixer au Royaume-Uni. Sous l’égide de son oncle maternel, Louis Mountbatten, il finira par intégrer la Royal Navy. Malgré son mariage avec Elisabeth II, Philip continue de se sentir comme un étranger, à la fois au cœur et un peu à l’écart de la "firme" - comme la famille royale aime à se surnommer -, toujours deux pas derrière sa royale épouse, ainsi que l’exige le protocole. Une situation qui expliquerait le caractère tranchant du prince, selon Jean des Cars. "Cet humour un peu grinçant, choquant par moment, était une façon d’exister", assure-t-il.

Mourir à Windsor, tout un symbole

"Ce qui est extraordinaire pour lui, c’est de mourir à Windsor, la plus grande forteresse habitée du monde, avec ce nom, utilisé en 1917 par le roi George V, le grand père de la reine, pour angliciser le nom de la dynastie assez germanique", relève encore notre historien. "Cela signifie que le prince Philip, qui avait dû rajouter à son nom celui de Windsor, en s'éteignent au château du même nom, a finalement gagné son dernier combat d'identité".