La justice britannique met en cause pour la première fois la pollution dans la mort d'une fillette

Près de 30.000 décès par an sont imputés à la pollution au Royaume-Uni.
Près de 30.000 décès par an sont imputés à la pollution au Royaume-Uni. © AFP
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avec AFP , modifié à
La justice britannique a pour la première fois reconnu le rôle de la pollution de l'air dans un décès, au sujet d'une petite fille de neuf ans morte en 2013 à Londres. Elle avait succombé à une crise d'asthme, après trois ans de crises répétées et une trentaine d'hospitalisations. 

La justice britannique a pour la première fois reconnu le rôle de la pollution de l'air dans un décès, estimant dans une décision très attendue qu'elle avait constitué "une contribution matérielle" dans la mort d'une fillette de neuf ans à Londres. "Ma conclusion est que la pollution de l'air a constitué une contribution matérielle dans la mort d'Ella" Adoo-Kissi-Debrah en 2013, a déclaré le médecin légiste adjoint de l'arrondissement londonien de Southwark, Philip Barlow, après deux semaines d'audiences qui se sont achevées vendredi.

Ella Adoo-Kissi-Debrah est décédée le 15 février 2013 d'une grave crise d'asthme après près de trois ans de crises répétées et une trentaine d'hospitalisations liées à cette maladie. Elle vivait à Lewisham, à moins de 30 mètres du South circular, une voie très empruntée du sud londonien. 

Un lien "frappant" entre les hospitalisations de la jeune fille et les pics de dioxyde d'azote 

En 2014, la justice a déterminé qu'elle était morte d'une insuffisance respiratoire aiguë causée par un asthme sévère, et non à cause de la pollution. Mais ces conclusions ont été annulées en 2019 et la tenue d'une nouvelle série d'audiences a été ordonnée en raison de nouveaux éléments scientifiques, et notamment le rapport d'un spécialiste britannique de la pollution de l'air, Stephen Holgate, en 2018. Ce dernier avait noté un "lien frappant" entre les hospitalisations en urgence d'Ella et les pics enregistrés de dioxyde d'azote (NO2) et de particules en suspension, les polluants les plus nocifs, à proximité de son domicile.

Dans son jugement, le médecin Philip Barlow a établi les causes de la mort comme étant en premier une insuffisance respiratoire aiguë, en deuxième l'asthme dont souffrait la fillette et en troisième l'exposition à la pollution, dont le niveau dépassait les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé. "La pollution de l'air est un facteur important contribuant à la fois à déclencher et à exacerber l'asthme", a-t-il expliqué. "La mère d'Ella n'a pas été informée des risques sanitaires. (...). Si elle l'avait été, elle aurait pris des mesures qui auraient pu éviter la mort d'Ella".

Près de 30.000 décès par an à cause de la pollution au Royaume-Uni 

Pendant les audiences, la défense de la famille de la fillette avait accusé les autorités du quartier de Lewisham d'avoir tardé à prendre des mesures contre la pollution dont les niveaux grimpaient. Une fois que le conseil local avait évalué la qualité de l'air de l'arrondissement, il avait fallu trois ans pour qu'un plan d'action soit conçu et quatre années supplémentaires pour que celui-ci soit formellement adopté.  Un représentant de ce conseil avait reconnu la lenteur à agir.

Des responsables des ministères des Transports, de l'Environnement et de la Santé ont également été entendus dans la procédure. Ella "vivait sur le fil du rasoir. Cela signifie qu'un très petit changement peut avoir des conséquences dramatiques", avait expliqué lors d'une audience le 8 décembre Stephen Holgate, professeur en immunopharmacologie à l'université de Southampton. Il a déclaré qu'une "hyper-sécrétion" de mucus dans les poumons d'Ella provoquait des quintes de toux prolongées qui s'étaient aggravées au cours de l'hiver 2012 "quand la pollution de l'air empirait dans son quartier".

"Je crois que c'est la raison pour laquelle (l'état d'Ella) s'est aggravé pendant cette période, alors que pendant les mois d'été où les niveaux de pollution de l'air diminuaient globalement, ses voies respiratoires étaient capables de se rétablir", a-t-il expliqué. Entre 28.000 et 36.000 décès survenant au Royaume-Uni chaque année sont estimés être liés à la pollution de l'air.