Guerre en Ukraine : ce qu'il faut retenir au 300e jour de l'invasion russe

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu mardi à Bakhmout, une ville de l'est de son pays ravagée par d'intenses combats avec les forces russes.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu mardi à Bakhmout, une ville de l'est de son pays ravagée par d'intenses combats avec les forces russes. © STRINGER / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SERVICE / AFP
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avec AFP , modifié à
Au 300e jour de la guerre en Ukraine, Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu mardi à Bakhmout, une ville de l'est de son pays ravagée par d'intenses combats avec les forces russes qui tentent de la prendre depuis l'été. De son côté, Vladimir Poutine a assuré lundi que la Russie n'allait pas absorber le Bélarus, tout en prônant un renforcement des liens militaires avec ce pays allié. 
L'ESSENTIEL

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky s'est rendu mardi à Bakhmout, une ville de l'est de son pays ravagée par d'intenses combats avec les forces russes qui tentent de la prendre depuis l'été et actuellement le point le plus chaud du front. Cette visite surprise de Volodymyr Zelensky au plus près des affrontements apparaît comme un défi lancé à son homologue russe Vladimir Poutine qui, au même moment, remettait des décorations au Kremlin à des soldats et à des dirigeants séparatistes prorusses de l'Est de l'Ukraine.

Le chef de l'Etat ukrainien "a rencontré des militaires, s'est entretenu avec eux" sur place, a déclaré le service de presse de la présidence, sans plus de précisions. Une vidéo diffusée par la chaîne ukrainienne d'Etat Freedom l'a montré se prenant en photo aux côtés de soldats dans un bâtiment et leur donnant des médailles.

"Il me semble que les héros de Bakhmout devraient recevoir ce que tout le monde reçoit (...) J'aimerais souhaiter qu'il y ait de la lumière, mais la situation est si difficile qu'il y a de la lumière, puis il n'y en a plus", a-t-il dit, faisant allusion aux coupures de courant après les bombardements russes.

Volodymyr Zelensky s'est rendu à plusieurs reprises près du front comme mi-novembre à Kherson, dans le sud, après le retrait des troupes russes, et à Sloviansk, début décembre, à quelques dizaines de kilomètres du front oriental. Cette visite à Bakhmout apparaît toutefois comme le plus risqué de ses déplacements, les forces russes se trouvant aux portes de cette ville.

Les informations à retenir : 

  •  Volodymyr Zelensky s'est rendu ce mardi à Bakhmout, une ville de l'est de son pays ravagée par d'intenses combats avec les forces russes
  • Vladimir Poutine a assuré lundi que la Russie n'allait pas absorber le Bélarus, tout en prônant un renforcement des liens militaires avec ce pays allié, à l'issue des pourparlers avec le président Alexandre Loukachenko.
  • L'Ukraine a subi un nouvel assaut de drones envoyés par la Russie dans la nuit de dimanche à lundi, privant d'électricité des milliers d'Ukrainiens. Les autorités ukrainiennes disent redouter dans les premiers mois de 2023 l'éventualité d'une offensive russe sur Kiev qui serait déclenchée à partir du territoire bélarusse, répétant le scénario du début de l'invasion, le 24 février.
  • L'Ukraine va suivre les préconisations du FMI aux termes d'un programme de surveillance économique avec l'institution, qui pourrait ouvrir la voie à des aides alors que le pays a besoin de plus de 40 milliards de dollars, a indiqué le FMI lundi.

610 millions de dollars d'aide supplémentaire apportés par la Banque mondiale

La Banque mondiale (BM) a annoncé mardi accorder 610 millions de dollars supplémentaires à destination de l'Ukraine, afin de permettre au pays de "faire face aux besoin les plus urgents" en matière de santé. Ce soutien, qui se fait sous la forme de deux prêts accordés par la Banque international pour la reconstruction et le développement (BIRD), qui fait partie du groupe BM, est notamment garanti pour le Royaume-Uni à hauteur de 500 millions de dollars.

Ce nouveau financement doit permettre de faire face aux dépenses du gouvernement ukrainien dans le domaine de la santé, de l'aide familiale ainsi que pour verser les salaires des fonctionnaires et assurer le fonctionnement des services publics. Cette nouvelle ligne de crédit porte désormais à 18 milliards de dollars les fonds mobilisés par la BM en faveur de l'Ukraine, sous forme de prêt ou de don, depuis le début du conflit dont 15 milliards ont d'ores et déjà été versés.

Nouvelles livraisons d'armes française à l'Ukraine

La France a livré dernièrement des lance-roquettes et des batterie de missiles Crotale à l'Ukraine et va poursuivre ses livraisons d'armements au début 2023, a annoncé Emmanuel Macron dans une interview à TF1 et LCI diffusée mardi. "Ces derniers jours, la France a livré des armes supplémentaires, des lance-roquettes, des Crotale, des équipements au-delà de ce que nous avions déjà fait", a déclaré le président français depuis le porte-avions Charles de Gaulle au large de l'Egypte.

"Nous travaillons aussi avec le ministre des Armées (Sébastien Lecornu) pour qu'au premier trimestre, nous puissions livrer à nouveau des armes et des munitions utiles, pour que les Ukrainiens puissent se défendre face aux bombardements", a ajouté le chef de l'Etat, qui se trouvait mardi en Jordanie pour un sommet régional.

Parmi les livraisons envisagées figurent celles de nouveaux canons Caesar. Emmanuel Macron ne s'est avancé sur aucun chiffre, indiquant que "cela dépend des discussions" en cours avec le Danemark. Depuis le début du conflit en février, la France a notamment fourni 18 canons Caesar de 155 mm d'une portée de 40 km, montés sur camion, des missiles antichar et anti-aérien ainsi que des véhicules de l'avant-blindé (VAB). Paris envisage désormais de fournir à Kiev six à 12 canons Caesar supplémentaires, prélevés sur une commande destinée au Danemark.

Le gouvernement russe divisé sur l'offensive hivernale en Ukraine selon Washington

Les dirigeants russes sont divisés sur le lancement d'une grande offensive hivernale en Ukraine, a indiqué mardi un haut responsable américain, sur fond de craintes que Moscou ne tente à nouveau de prendre Kiev. "Je pense qu'on est en présence de points de vue qui divergent", a estimé le haut responsable sous le couvert de l'anonymat, en parlant des délibérations en cours au sein du gouvernement russe.

"Clairement, il y en a certains qui, je crois, prônent de poursuivre l'offensive en Ukraine. Il y en a d'autres qui ont de réelles questions quant à la capacité de la Russie de le faire", a-t-il dit. Les propos du responsable américain interviennent alors que le président russe Vladimir Poutine doit fixer les objectifs de son armée pour l'année 2023 lors d'une rencontre avec de hauts responsables militaires mercredi, selon le Kremlin.

Il a encore précisé que les Etats-Unis "ajusteraient et adapteraient rapidement" leurs objectifs si une telle offensive majeure était décidée, au neuvième mois de l'invasion russe en Ukraine. "Ce que nous faisons, ce que nous continuons de faire, c'est de s'assurer que les Ukrainiens aient les moyens de se défendre efficacement face à l'agression russe", a-t-il poursuivi. Pour leur part, selon ce haut responsable, les Ukrainiens ne montrent aucun signe de vouloir "ralentir et je pense que les Russes doivent en tenir compte dans leurs calculs".

Poutine assure que la Russie «n'a pas intérêt» à absorber le Bélarus

Vladimir Poutine a assuré lundi que la Russie n'allait pas absorber le Bélarus, tout en prônant un renforcement des liens militaires avec ce pays allié, à l'issue des pourparlers avec le président Alexandre Loukachenko. Peu après une attaque de drones sur Kiev, Vladimir Poutine a assuré que la Russie n'avait "pas intérêt à absorber qui que ce soit. Cela n'a pas de sens tout simplement". Une déclaration que le département d'Etat américain a qualifié de "comble de l'ironie venant d'un dirigeant qui cherche au moment présent - exactement maintenant - à absorber violemment son autre voisin immédiat pacifique".

Le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price faisait ici allusion à l'Ukraine, qui a subi un nouvel assaut de drones envoyés par la Russie dans la nuit de dimanche à lundi, privant d'électricité des milliers d'Ukrainiens. Lors d'une conférence de presse avec son homologue bélarusse à Minsk, Vladimir Poutine a toutefois annoncé un accord, obtenu par les deux dirigeants lors de ces pourparlers "substantiels", pour renforcer leur coopération dans "tous les domaines", notamment dans le secteur de la défense.

Il s'agit des "mesures communes pour assurer la sécurité" des deux pays, des "livraisons mutuelles d'armes", ainsi que de la fabrication commune des armements, a précisé Vladimir Poutine. La Russie va également continuer de former des militaires bélarusses pour piloter des avions bélarusses de conception soviétique, capables de porter des bombes nucléaires, selon la même source.   

"Est-ce que nous sommes capables de protéger tous seuls notre indépendance, sans la Russie? Non!", a lancé pour sa part le président bélarusse. "La Russie peut se passer de nous, et nous ne pouvons pas nous passer d'elle", a-t-il encore fait valoir. "Et si quelqu'un pense qu'il pourrait nous séparer aujourd'hui, enfoncer un coin entre nous, ils n'y réussiront pas", a ajouté Alexandre Loukachenko. Ned Price a également estimé avoir vu "le régime Loukachenko essentiellement céder sa souveraineté, céder son indépendance, à la Russie", selon un communiqué.

L'armée russe va prendre part à des manœuvres "tactiques" au Bélarus

Le sommet entre les chefs d'Etat russe et bélarusse intervient à un moment où les autorités ukrainiennes disent redouter dans les premiers mois de 2023 l'éventualité d'une offensive russe sur Kiev qui serait déclenchée à partir du territoire bélarusse, répétant le scénario du début de l'invasion, le 24 février.

Ajoutant aux inquiétudes, l'armée russe a déclaré lundi qu'elle allait prendre part à des manœuvres "tactiques" au Bélarus, après l'annonce en octobre de la formation d'une force commune de plusieurs milliers d'hommes. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a toutefois démenti que Vladimir Poutine soit allé au Bélarus pour convaincre Minsk de directement participer au conflit en Ukraine, qualifiant ces allégations de "stupides" et "sans fondement".

Kiev a subi dans la nuit de dimanche à lundi un nouvel assaut massif de drones envoyés par la Russie. Selon les autorités locales, 23 de ces engins ont été aperçus dans le ciel de la capitale, dont 18 ont été neutralisés par la défense antiaérienne.

Les autorités locales ont signalé que "plusieurs infrastructures et maisons" avaient été "endommagées" et au moins trois personnes blessées. Selon l'opérateur national Ukrenergo, le courant a été coupé à Kiev et dans 10 régions face à une situation "difficile" sur le réseau après ces frappes.

Pas d'eau, pas d'électricité

"J'ai d'abord entendu une sirène d'alerte antiaérienne hurler dans la rue. Pour la première fois, ça m'a fait peur", a témoigné auprès de l'AFP Natalia Dobrovolska, 68 ans, qui habite dans un quartier de l'ouest de Kiev. Igor, 35 ans, qui vit dans le nord-ouest de la capitale, a lui aussi été réveillé en sursaut : "Maintenant, nous n'avons presque pas de réseau mobile, pas d'électricité et pas d'eau", raconte-t-il.

Mais des responsables de Kiev ont illuminé un sapin dans le centre-ville, assurant qu'ils ne laisseraient pas la Russie "voler" ce Noël aux enfants ukrainiens.  De son côté, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a assuré que Moscou avait reçu "un nouveau lot" de 250 drones de la part de l'Iran. Il a réclamé à l'occasion d'un sommet européen à Riga des batteries de missiles norvégiennes NASAMS, des chars allemands Leopard, des systèmes d'artillerie suédois Archer et des canons français Caesar.

Moscou a pour sa part assuré avoir abattu quatre missiles antiradar de fabrication américaine HARM au-dessus de la région russe de Belgorod, à la frontière, une zone régulièrement visée par les forces ukrainiennes. La Russie a aussi fait savoir que plusieurs de ses navires de guerre participeraient dès cette semaine à des manœuvres avec la marine chinoise, sur fond d'efforts de Moscou et de Pékin en vue de consolider leurs liens face aux Occidentaux.

Le déplacement de Vladimir Poutine au Bélarus est son premier dans ce pays en trois ans. M. Loukachenko va quant à lui régulièrement en Russie, notamment pour faire avancer le projet d'une union plus poussée entre les deux Etats. Cette rencontre intervient aussi à un moment où l'armée ukrainienne surveille tout particulièrement la frontière bélarusse, de peur d'une possible attaque sur la capitale début 2023. Si les troupes de Minsk ne prennent pas directement part à la guerre de Moscou, l'armée russe se sert du territoire bélarusse pour bombarder l'Ukraine voisine, selon Kiev. Le ministère russe de la Défense a diffusé lundi des images de manœuvres au Bélarus sur lesquelles on voit des soldats avec des chars et s'exerçant à tirer à l'artillerie dans un paysage recouvert de neige.

Le président allemand appelle Xi Jinping à "utiliser son influence" sur Poutine

Le chef de l'Etat allemand Frank-Walter Steinmeier a appelé mardi le président chinois Xi Jinping, lors d'un entretien téléphonique, à "utiliser son influence" sur Vladimir Poutine pour "mettre fin" à la guerre en Ukraine, a indiqué la présidence allemande dans un communiqué.

"Le président fédéral Frank-Walter Steinmeier a téléphoné aujourd'hui au président chinois Xi Jinping (...). Le président a souligné l'intérêt commun de la Chine et de l'Europe à la fin de la guerre. Il a demandé à Xi Jinping d'utiliser son influence sur la Russie et d'agir en ce sens auprès de Poutine", selon ce communiqué.

L'Ukraine ouvre la voie à une aide du FMI

Du côté économique, l'Ukraine va suivre les préconisations du FMI aux termes d'un programme de surveillance économique avec l'institution, qui pourrait ouvrir la voie à des aides alors que le pays a besoin de plus de 40 milliards de dollars, a indiqué le FMI lundi. Le Conseil d'administration du Fonds monétaire international a examiné le programme de surveillance (PMB) de l'Ukraine "visant à maintenir la stabilité financière et à catalyser le financement des donateurs", a indiqué le Fonds dans un communiqué lundi.

Les autorités ukrainiennes se sont engagées à des réformes concernant notamment la collecte des impôts, le marché de la dette intérieure, la transparence, l'indépendance de la banque centrale. Elles ont quatre mois pour prouver leur avancement, indique le Fonds.

Ce cadre de mesures surveillé par le FMI "vise à ouvrir la voie à des financements", a indiqué Gavin Gray, chef de mission en Ukraine pour le FMI, qui peuvent "venir de nombreuses sources". Les besoins du budget et de fonctionnement de l'Ukraine sont estimés entre 40 et 57 milliards de dollars pour 2023, a précisé le responsable.

Faire face aux tensions de début 2023

Parvenir à suivre les préconisations du FMI vise à "donner confiance aux donateurs" alors que le pays a besoin de "dons et de financements concessionnels", a-t-il ajouté. "Un soutien financier extérieur important et prévisible sera essentiel au succès de la stratégie des autorités" ukrainiennes" et des décaissements rapides contribueraient à faire face aux tensions dès le début de 2023", a affirmé Gita Gopinath, directrice générale adjointe du FMI, dans le communiqué.

L'institution elle-même se dit ouverte, après "une mise en œuvre solide" du programme de surveillance PMB, "à un éventuel programme à part entière soutenu par le FMI". "Il est trop tôt" pour indiquer quel montant ce programme du FMI pourrait atteindre, a indiqué Gavin Gray. Jusqu'ici depuis le début de la guerre en Ukraine et l'invasion de la Russie en février 2022, le FMI a fourni une aide d'urgence de 2,7 milliards de dollars à Kiev. La Commission européenne vient, elle, de proposer une aide de 18 milliards d'euros en 2023 sous forme de prêts.