Caroline Fourest 11:44
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Pauline Rouquette
De la naissance du projet au tournage de scènes imprévues au Kurdistan irakien, en passant par les Monts Sinjar et le Maroc, Caroline Fourest, invitée d'Europe 1 dimanche, est revenue sur la réalisation de son tout premier film, Soeurs d'armes. Un long-métrage qui retrace la lutte de combattantes kurdes contre l'Etat islamique. 
INTERVIEW

Choquée par la vidéo d’une foire aux esclaves yézidies, Caroline Fourest a eu le déclic d’écrire un film. "J’en croyais à peine mes yeux", raconte-t-elle au micro d’Europe 1, dimanche, se rappelant des images, filmées de l’intérieur par des combattants de Daech, s’esclaffant en achetant ces adolescentes kurdes comme s’ils achetaient des animaux.

À la suite des attentats de Charlie Hebdo, la journaliste, invitée de l’émission "Il n’y a pas qu’une vie dans la vie", dimanche, avait besoin de trouver une nouvelle voie pour s’exprimer. "J’avais beaucoup écrit après les attentats, et il fallait que je déverse quelque chose". La réalisation s’est imposée à elle, à travers l’histoire des combattantes kurdes qui se sont battues contre Daech pendant cinq ans, Kalashnikov en main. "J’avais cette envie de réalisation, mais l’avait laissée de côté en sacrifiant ce rêve pour essayer d’être utile dans le débat public". Son projet en tête, la journaliste a alors revêtu la casquette de scénariste et réalisatrice, donnant naissance à Sœurs d’armes.

Sur les traces du génocide des Yézidis

Caroline Fourest raconte être d’abord partie dans les montagnes de Sinjar, au nord-ouest de l’Irak, sur les traces du génocide des Yézidis (communauté monothéiste kurdophone). "Je marchais dans le monde que j’avais imaginé dans mon scénario", se rappelle-t-elle, évoquant de nombreux moments forts. Aux côtés de sa compagne, politologue et arabophone, Caroline Fourest a alors rencontré les combattantes des Unités de protection du peuple kurde (YPG). "Elles sont très jeunes et très radicales", note la réalisatrice.

Ces rencontres ont servi à nourrir le scénario, écrit sous l’œil attentif de Patrice Franceschi, un officier de réserve, ancien parachutiste et aviateur, qui avait lui-même combattu aux côtés des Kurdes lors de la bataille de Raqqa, en 2017. Mais pour des questions sécuritaires, le tournage, lui, s’est déroulé au Maroc.

Menacée par un site islamo-complotiste 

Un tournage loin du Kurdistan irakien, certes, mais pas dénué de risques pour autant. Menacée par un site islamo-complotiste qui cherchait à perturber son travail, Caroline Fourest a dû être protégée par des policiers en civil. "Ça n’a rien changé", explique-t-elle, indiquant que le lieu de tournage restait très sécurisé.

Finalement, l’expérience de tournage s’est passée comme elle l’avait imaginé, les émotions et la proximité en plus. "À la fin, on faisait partie de la même famille parce qu’on a vécu dans le même monde", sourit-elle.

"Je voulais tourner avec les Peshmergas"

Son équipe, principalement son producteur et son distributeur, ont pourtant craint que cette réussite ne tourne au drame. Si Caroline Fourest était satisfaite de son travail, demeurait toutefois un regret : celui de ne pas avoir pu tourner au Kurdistan irakien. Pour son équipe, c’était hors de question, car trop dangereux. "Il me manquait des scènes d’ampleur que je voulais tourner avec les Peshmergas", raconte la réalisatrice, expliquant que les combattants kurdes lui avaient même promis de lui mettre à disposition des véhicules et des bases. Bille en tête, elle prend donc ses billets et met son distributeur devant le fait accompli.

"Le colonel des Peshmergas a ramené 27 blindés dans le désert, j’ai pu filmer de vraies combattantes que j’ai insérées dans une vraie scène de fiction pour leur rendre hommage", énumère Caroline Fourest. Sorti il y a huit mois, Sœurs d’armes est beaucoup téléchargé au Moyen-Orient, affirme Caroline Fourest. "Mon objectif est atteint", assure-t-elle, alors que le film a été un échec au box-office en France, avec un peu moins de 85.000 entrées.