EI : pour les Yazidies, le suicide seule échappatoire au viol

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Alcyone Wemaere, avec AFP , modifié à
Amnesty International s’alarme mardi du sort de milliers de femmes de cette minorité kurdophone d’Irak en proie aux exactions des djihadistes.

Les djihadistes de l'Etat islamique "ont ruiné nos vies". Le témoignage d’une jeune fille yazidie de 16 ans violée par un homme deux fois plus âgée a été relayé mardi par Amnesty international. L’ONG estime, en effet, que les meurtres, tortures, viols et enlèvements commis par le groupe Etat islamique sur les Yazidis relèvent du "nettoyage ethnique".

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Le suicide pour échapper à l’esclavage sexuel. Des jeunes femmes yazidies réduites à l'état d'esclaves sexuelles par l'organisation Etat islamique (EI) ont choisi se donner la mort plutôt que d'endurer ces violences, indique mardi Amnesty International dans un communiqué.

Les Yazidis ont été victimes de multiples exactions de l'EI depuis que les djihadistes se sont emparés cette année de larges territoires dans le nord de l'Irak. Les Yazidis, minorité kurdophone considérée comme hérétique par le groupe extrémiste sunnite, vivaient jusqu'alors dans la région de Sinjar.

Des victimes à peine sorties de l’enfance. "Des centaines, peut-être des milliers" de femmes ont ainsi été mariées de force, vendues ou offertes par l'EI à des combattants ou sympathisants. "Nombre de ces esclaves sexuelles sont des enfants, des filles âgées de 14, 15 ans ou plus jeunes encore", explique Donatella Rovera, une responsable d'Amnesty International, qui a interrogé plus de 40 ex-captives en Irak.

Des témoignages glaçants. Jilan, 19 ans, s'est suicidée pour ne pas devenir une esclave sexuelle des jihadistes. Selon le témoignage de son frère recueilli par l'ONG, la jeune fille a mis fin à ses jours par peur d’être violée. "Un jour, on nous a donné des vêtements ressemblant à des costumes de danse et on nous a dit de nous laver avant de les enfiler. Jilan s'est tuée dans la salle de bains", a raconté une fille détenue avec elle. "Elle s'est entaillé les poignets et s'est pendue. Elle était très belle. Je pense qu'elle savait qu'elle allait être emportée par un homme et c'est pour ça qu'elle s'est tuée", a ajouté la jeune femme.

Une autre captive a raconté à l'ONG que sa soeur et elle avaient décidé de se tuer pendant la nuit pour échapper à un mariage forcé mais que deux autres femmes, éveillées par les bruits, les en avaient empêchées.

Des drames aux conséquences "catastrophiques". Selon Donatella Rovera, même si certaines femmes en réchappent, "les conséquences physiques et psychologiques des effroyables souffrances que ces femmes ont subies sont catastrophiques". "Nombre d'entre elles ont été torturées et traitées comme du bétail. Même celles qui ont réussi à s'échapper restent profondément traumatisées". Le traumatisme des femmes réduites en esclavage est aggravé par le choc d'avoir vu leur famille décimée, des centaines d'hommes ayant été tués, et par la stigmatisation qui entoure le viol.

"Quand vous posez la question (aux femmes ayant pu s'échapper), elles n'ont jamais, ou très rarement, été agressées sexuellement. Pour dire les choses simplement, elles ont peur d'être tuées par leur propre tribu", explique Hanaa Edwar, militante irakienne des droits de l'Homme.

Les Yazidis, cibles revendiquées de l’EI. L'EI multiplie les exactions dans les régions sous son contrôle en Syrie, où il est présent depuis 2013, et en Irak, où il a lancé une vaste offensive en juin. Pourquoi les Yazidis paient-ils un si lourd tribut ? Dans son édition d'octobre, le magazine de propagande de l'EI, Dabiq, se réjouissait que l'organisation ait rétabli l'esclavage, en offrant comme butin de guerre à ses combattants des femmes et enfants yazidis.

Dabiq expliquait que "les gens du Livre" - adeptes des religions monothéistes comme les chrétiens et les juifs - peuvent échapper à ce sort en versant une taxe ou en se convertissant, mais que cette dérogation ne s'applique aux Yazidis, qui tirent les origines de leur foi dans le mazdéisme né en Iran il y a près de 4.000 ans.