CARNET DE BORD - Comment l'Europe du Sud vit le déconfinement : troisième étape, Venise

Le confinement a rendu à Venise une quiétude que la ville n'avait plus connue depuis des décénies.
Le confinement a rendu à Venise une quiétude que la ville n'avait plus connue depuis des décénies. © Jean-Sébastien Soldaïni / Europe 1
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Jean-Sébastien Soldaini, édité par Romain David
JOUR 3 - Italie, Grèce, Balkans... Pendant dix jours notre reporter parcourt l'Europe du Sud pour comprendre comment les habitants de ces pays vivent le déconfinement. Sa troisième étape est en Italie, dans une Venise abandonnée par les touristes… pour le plus grands plaisir des habitants.

>> Pendant dix jours notre reporter parcourt l'Europe du Sud pour comprendre comment nos voisins européens vivent leur déconfinement, la réouverture des frontières, l'approche des vacances, mais aussi prendre le pouls de l’économie locale. Un voyage de l'Italie jusqu'à la Grèce, en passant par les Balkans et la côte Adriatique. Après Vintimille et Milan, pour la troisième étape de son "tour du déconfinement" européen, Jean-Sébastien Soldaïni s'est arrêté à Venise, la "Sérénissime". Pour la première fois depuis des décennies, la cité s’est vidée de ses nombreux touristes, dévoilant un visage que même les riverains avaient oublié.

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Une cité hors du temps

L’arrivée à Venise se fait sous un temps de chien. Une pluie incessante va m’accompagner toute la journée, comme pour accentuer encore le sentiment étrange d’être hors du temps. C’est généralement le cas lorsqu’on arpente les pavés de la ville.

"Hors du temps", ou plutôt "dans un autre temps" : la place Saint-Marc, les bords du Grand Canal sont déserts. Les étroites ruelles où il est parfois impossible de se croiser le sont plus encore. Les Vénitiens sont au chaud chez eux. Les touristes ne sont pas encore revenus. Et les gondoles recouvertes de bâches sont solidement amarrées à leurs poteaux. "Dans Venise la rouge, pas un bateau qui bouge", écrivait Alfred de Musset.

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Privée de ses touristes (et de ses pigeons), la place Saint-Marc n'a jamais été aussi déserte. ©Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.

Venise, davantage adaptée aux touristes qu’à ses résidents

C’est dans ce décor que vivent les Vénitiens depuis maintenant plus de trois mois. Une ville qu’ils se réapproprient car les touristes laissent un vide immense. Mais les magasins sont pour la plupart fermés. Ariele, une Française installée là-bas, me confie qu’avec ses amis, elle s’est rendu compte que Venise n’était pas adaptée à ses résidents mais aux touristes. Tous ces rideaux baissés, ce ne sont que des échoppes où elle ne va jamais.

Dans les vitrines à l’abandon, le kitsch côtoie le luxe. À bien regarder les enseignes, je me croirais presque sur les Champs-Elysées. Les chaînes de fast-food sont installées à des endroits de choix. Les vendeurs de souvenirs Made in China aussi.

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Les boutiques du centre-ville ont été pensées pour satisfaire les touristes... mais pas les habitants. ©Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.

Des autorités qui poussent au tourisme de masse

Stefano Croce, président de l’association des guides touristiques de Venise, pousse un soupir d’agacement le long du canal des Mendiants. Lui et ses collègues ne se sont pas aperçus qu’un ponton a été construit alors que tous les Vénitiens étaient confinés. L’objectif des autorités est de ramener les touristes au plus vite. Durant le confinement, les habitants ont eu la chance de voir leur ville comme ils ne l’ont jamais vue avant. Calme. Propre. Silencieuse. Aussi, le retour annoncé des voyageurs est loin de réjouir tout le monde.

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Principale artère maritime de Venise, le Grand Canal a été quasiment déserté par le trafic. ©Jean-Sébastien Soldaïni pour Europe 1.

N'allez pas dire à Stefano Croce que réduire le nombre de touristes, ce serait tuer la poule aux œufs d’or. Il se bat pour un tourisme durable dans la Cité des Doges. Car comme beaucoup de Vénitiens, il ne veut plus voir ces immenses paquebots de croisière endommager le Lido. "Ce n’est pas le nombre qui compte. On pourrait remplacer le quai des navires de croisière par un port pour les Yachts de Luxe. Ces personnes resteraient plus longtemps et dépenseraient leur argent dans les hôtels et les magasins", argue-t-il. 

En temps normal, la "Sérénissime" est devenue "un parc d’attraction", soupire encore un guide. En attendant, le pont du même nom est encore un peu au calme avant le retour des visiteurs étrangers.

Retrouvez les autres pages du "Carnet de bord" de notre reporter à travers le sud de l'Europe :

>> Première étape, Vintimille

>> Deuxième étape, Milan