Aujourd'hui âgée de 95 ans, l'accusée était mineure quand elle était secrétaire du camp de concentration de Stutthof. 1:33
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Hélène Kohl, édité par Ugo Pascolo avec AFP , modifié à
Une nonagénaire de 95 ans, ancienne secrétaire dans un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, risque un procès pour complicité de meurtres devant la justice allemande. Mais la tenue d'un procès n'est pas encore assurée : la justice doit d'abord décider si, en raison de son grand âge, cette femme est apte à être renvoyée devant un tribunal.

C'est une première dans l'histoire judiciaire allemande. Ancienne secrétaire dans un camp de concentration, une femme de 95 ans risque aujourd'hui un procès pour complicité de meurtres devant la justice allemande. En cas de procès, elle serait la première femme à comparaître dans le cadre des plus récentes procédures menées en Allemagne pour juger les atrocités nazies, alors que plusieurs hommes ont été poursuivis. 

"Complicité de meurtres dans plus de 10.000 cas"

L'acte d'accusation l'incrimine de "complicité de meurtres dans plus de 10.000 cas. Dans d'autres cas, elle est poursuivie pour complicité dans des tentatives de meurtres", écrit le parquet de Itzehoe, situé dans le nord-ouest de l'Allemagne, dans un communiqué. Le ministère public lui reproche d'avoir entre juin 1943 et avril 1945 "apporté son aide aux responsables du massacre systématique de prisonniers juifs, de partisans polonais et de prisonniers de guerre soviétiques russes dans sa fonction de sténographe et de secrétaire du commandant de l'ancien camp de concentration Stutthof", situé à 40 km de la ville de Gdansk, aujourd'hui en Pologne. 

Des faits que cette femme, dont l'identité demeure secrète, ne nie pas, selon la chaîne de la télévision allemande NDR qui l'a rencontrée l'an dernier. Elle se souvient même très bien de ses activités dans un bâtiment situé en face du camp. Mais elle affirme n'être jamais entrée dans ce dernier, et que son bureau donnait dans la direction opposée. En revanche, et elle a d'ailleurs déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises à la justice en tant que témoin dans d'autres procès, elle était chargée de taper à la machine tous les documents administratifs du camp et la correspondance du commandant avec sa hiérarchie SS. 

Quant aux actes d'exécution qu'elle tapait, elle pensait qu'elles étaient liées à des mesures disciplinaires internes au camp. De même, elle soutient n'avoir appris qu'après la guerre l'existence des chambres à gaz dans le camp de Stutthof, où sont morts 65.000 personnes. 

La tenue d'un procès est incertaine

La tenue d'un procès n'est toutefois pas encore assurée : la justice doit d'abord décider si, en raison de son grand âge, l'ancienne employée du camp est apte à être renvoyée devant un tribunal. Interrogé par l'AFP, le ministère public suppose actuellement qu'elle est "apte à être jugée". Les investigations dans ce dossier ont été "très longues", avec des interrogations de témoins aux Etats-Unis et en Israël notamment, a précisé le porte-parole du parquet Peter Müller-Rakow. La "question juridique centrale" de la procédure sera la question de la "responsabilité concrète" de l'accusée pour la complicité des meurtres qui lui sont reprochés. Cela ne pourra être clarifié "qu'au cours de l'audition des témoins" devant le tribunal, a-t-il ajouté.

En 1957 son chef, le commandant du camp, avait été rattrapé par la justice et condamné à de la prison ferme. Mais le cas de sa secrétaire avait été laissé de côté. "Elle était tout en bas de la chaîne de commandement de l'Holocauste", admet l'avocat des survivants du camp, "mais elle en faisait quand même partie".