Syrie : "on tuait par la parole"

Les journalistes de Radio Damas racontent que des militaires armés patrouillaient dans la rédaction.
Les journalistes de Radio Damas racontent que des militaires armés patrouillaient dans la rédaction. © REUTERS
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Matthieu Bock et A-J. C. , modifié à
TEMOIGNAGE E1 - Des journalistes ayant fait défection racontent les pressions à Radio Damas.

D’autres journalistes sont partis dès le début du conflit, eux étaient restés. Mais ces employés de Radio Damas, la radio publique syrienne, ont fini par faire défection et se trouvent désormais en France depuis quelques jours. Au départ, ils voulaient combattre de l’intérieur et distiller la vérité dans les journaux. Mais la pression était devenue trop forte. Aujourd'hui, ils ont décidé de témoigner.

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"On tuait par la parole", n'hésite pas à dire à Europe 1 Kamal Jamal Beck, qui a travaillé 22 ans à Radio Damas. "Si on ne disait pas exactement ce que le gouvernement nous dictait, on était exécutés et nos familles aussi", explique-t-il, ajoutant : "on mentait à l’antenne en racontant des choses qui n’étaient pas arrivées".

Des militaires armés dans les couloirs

Le journaliste raconte aussi que ses collègues et lui étaient "surveillés en permanence". "Dans la rédaction, il y avait des militaires armés qui patrouillaient et nous suivaient partout, même dans les couloirs et les ascenseurs", dépeint-il.

Sa collègue, Lama al-Khadra, directrice de la rédaction, décrit elle aussi la paranoïa du régime. "On n’avait pas le droit de regarder Al-Jazira, car le gouvernement pensait que la chaîne diffusait des messages secrets aux rebelles. Et même pendant la météo : s’il faisait 13° à Alep, ils pensaient que c’était un code pour les combattants d’Alep", assure-t-elle.

Des "maquettes construites à Hollywood"

"Ils disaient que les images de Homs ravagé par les bombardements étaient des maquettes construites à Hollywood par les Américains", ajoute encore la journaliste.

La décision de fuir a été prise le jour où l’un de leurs collègues a disparu, probablement enlevé par les hommes du régime. Exfiltrés avec leurs familles par la rébellion et par les services français, ils vivent aujourd’hui en région parisienne. Leur rêve : monter la radio de l’après-Assad.