Syrie : "Damas marque des points"

Pierre Servent, expert en stratégie militaire et consultant pour Europe 1, analyse la "confusion" autour des frappes en Syrie.
Pierre Servent, expert en stratégie militaire et consultant pour Europe 1, analyse la "confusion" autour des frappes en Syrie. © Reuters
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et Thomas Sotto , modifié à
INTERVIEW E1 - Pierre Servent, expert en stratégie militaire, fait le point sur la "confusion" autour des frappes en Syrie.

INTERVIEW. Alors que les atermoiements se poursuivent autour des frappes en Syrie, le régime de Bachar al-Assad "marque des points". Pierre Servent, expert en stratégie militaire et consultant pour Europe 1, analyse la "confusion" autour des frappes en Syrie et assure : "c'est 1 pour Bachar al-Assad, Poutine et l’Iran, 0 pour la coalition internationale...".

Le régime syrien profite-t-il des hésitations des pays occidentaux ? C'est la confusion la plus complète ! L'ennemi sait parfaitement ce qui peut se passer et on peut penser que Bachar al-Assad a pu bouger un certain nombre de ses matériels militaires. Mais pas tous : on sait que ce que veulent frapper les Français et les Américains, ce sont des sites liés au chimique, or des bases, des laboratoires, ça ne peut pas se bouger. Mais nous sommes dans une configuration sidérante.

 

Ces frappes pourraient-elles changer quelque chose à la situation en Syrie ? "L'utilité de frappes peut désormais être de montrer que le recours aux armes de destruction massive n'est pas acceptable. Il ne s'agit pas, disent les chancelleries, d'entrer en guerre contre Bachar al-Assad, de le renverser, mais de dire qu'une arme qui fait 1.600 morts en quelques heures est inacceptable. Sur le plan militaire, cela ne changera rien. Cela ne peut avoir un sens que si ça donne un coup d'arrêt et que derrière, il peut y avoir des discussions politiques, éventuellement un Genève II, car la solution en Syrie est politique".

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© Reuters

Ces frappes vont-elles avoir lieu ? Les militaires sont prêts, les objectifs sont prêts, la planification des frappes est fixée depuis plusieurs jours. Mais nous sommes en démocratie et le politique commande, avec un retournement de situation incroyable aux USA et le double discours d'Obama. On peut se demander si des frappes auront lieu dans les jours qui viennent. Bachar al-Assad a déjà gagné la première partie avec les Russes et les Iraniens, on peut imaginer leur joie devant la confusion. C'est 1 pour Assad, Poutine et l’Iran, 0 pour la coalition internationale.

Comment se décident les objectifs à frapper ? Faut-il d’abord frapper les opinions ou être efficace ? Les deux, sauf que plus vous tardez et moins la capacité à frapper l'opinion et surtout le régime de Bachar al-Assad, et les autres tentés par l'arme chimique peut fonctionner. En ce qui concerne les objectifs, ce sont les militaires qui font des planifications. Sur la Syrie, la planification est faite depuis des mois et des mois. Mais ce sont les politiques qui arrêtent les cibles, avec un dialogue avec les partenaires. Puis le feu vert est donné aux militaires, qui, dans une démocratie, sont soumis aux politiques.

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Si le Congrès américain dit "non" aux frappes le 9 septembre, François Hollande peut-il intervenir seul ? Non, je ne crois pas que la France puisse intervenir seule sur une opération comme cela : c'est techniquement compliqué, nous n’avons pas de missiles de croisière, et la France ne peut pas se retrouver isolée. On pourrait faire des frappes avec des Rafales, on a des missiles Scalp, mais la combinaison avec les Américains permettait une allonge plus grande. La France pourrait le faire mais en prenant plus de risques, comme celui de voir des avions abattus. Encore que les Israéliens ont frappé à cinq reprises le territoire syrien, à l’intérieur, sans problème... Mais ce serait prendre un risque militaire, et surtout un risque politique assez démesuré.