Migrants en Méditerranée : comment le chalutier a chaviré

© ALBERTO PIZZOLI / AFP
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Le commandant du bateau naufragé a été arrêté. Il est accusé d’avoir effectué de "fausses manœuvres" avec ce chalutier surchargé.

Deux jours après, le scénario du drame se précise. Le commandant du chalutier qui a chaviré dans la nuit de samedi à dimanche au large de la Libye a été arrêté et désigné par la justice italienne comme l’unique responsable de la tragédie qui aurait coûté la vie à quelque 850 migrants. Retour sur les circonstances de l’un des pires naufrages de migrants jamais survenu en Méditerranée.

Entassés "comme du poisson". Samedi matin, sur une plage de Libye, quelque 1.000 personnes attendent d’embarquer à bord du chalutier commandé par le Tunisien Mohammed Ali Malek, 27 ans. Originaires de Syrie, Érythrée ou de Somalie, ils ont payé chacun entre 500 et 1.000 dinars libyens, soit entre 330 et 660 euros, pour leur passage. Avant d’être transportés jusqu’à la plage, ils ont été gardés enfermés, pour certains pendant un mois, dans une usine désaffectée près de Tripoli.

Alignés, ils attendent d’être parqués à l’intérieur du bateau de 20 mètres de long, "comme du poisson", raconte l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), citée par le New York Times. En dernier, les femmes et les enfants, dont un grand nombre n’embarque pas.

D’après le parquet italien, qui se base sur les témoignages des survivants et sur les estimations de l’équipage du cargo portugais qui a tenté de leur porter secours, quelque 850 migrants se trouvaient à bord du chalutier. 

"Fausses manœuvres". Dans la soirée de samedi, le chalutier lance un appel au secours. Vers 10 heures, il est approché par le cargo portugais. Là, de "fausses manœuvres" sont "décidées par le commandant du chalutier qui, dans la tentative d’aborder le cargo, a provoqué la collision avec ce bateau plus grand". Le chalutier, surchargé, est déséquilibré par ces fausses manœuvres et "par le déplacement des migrants à bord". Présents sur le pont supérieur, ils sont en effet une centaine à se précipiter vers un bord du bateau. C’est alors que le navire chavire. 

Mardi, le parquet italien a insisté sur un point : le cargo portugais, premier à intervenir après l’appel de détresse lancé par le chalutier, n’a "en rien contribué" au drame. En s’approchant du bateau, le cargo avançait en effet très lentement, créant peu de remous et déployant des canots de sauvetages, des filets, des bouées de sauvetage et une passerelle, selon CNN.

Enfermés dans les cales. Mais pour les migrants, il est déjà trop tard. Environ 800 personnes sont portées disparues, un bilan très lourd qui s’explique en partie par le fait que de nombreux passagers, y compris des femmes et des enfants, étaient enfermés dans les cales du navire. Vingt-quatre corps ont pu être repêchés. Et seuls 28 migrants ont survécu. Tous se trouvaient dans la partie haute du bateau au moment du naufrage.

Parmi eux, le commandant du chalutier, qui est accusé de naufrage involontaire, homicide multiple involontaire et d’avoir favorisé l’immigration clandestine. Un autre passeur, un Syrien, a également été arrêté. Vendredi, ils seront entendus par un magistrat qui décidera ou non de les inculper. En attendant, ils sont incarcérés à Catane, ce port de Sicile où ont aussi débarqué les survivants, devenus des témoins-clés pour l’enquête. 

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