La France a-t-elle fait capoter l'accord sur le nucléaire iranien ?

Les chefs de la diplomatie française et américaine, Laurent Fabius et John Kerry.
Les chefs de la diplomatie française et américaine, Laurent Fabius et John Kerry. © Reuters
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avec AFP , modifié à
"Nous sommes fermes, nous ne sommes pas fermés", assure Laurent Fabius alors que Téhéran critique la position de Paris.

La question. La France est-elle responsable de l’échec des négociations sur le nucléaire iranien qui se sont tenues ce week-end à Genève ? La réponse ne fait aucun doute pour la presse iranienne. "La France a ruiné son image à Genève", écrit par exemple le quotidien Tehran Times. Sans citer explicitement la France, le chef de la diplomatie iranienne Mohammad Javad Zarif pointe également sa responsabilité. Sur sa page Facebook, il note ainsi qu'"il était possible d'arriver à un accord avec la plupart des membres du groupe 5+1, mais (...) une des délégations avait un peu de problèmes". Les discussions ont en effet achoppé sur deux points défendus mordicus par Paris : la fermeture du réacteur d'Arak qui doit entrer en fonction l'an prochain et le sort du stock d'uranium fortement enrichi. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie, la Chine et l’Allemagne, qui complètent le groupe 5+1, étaient, semble-t-il, moins intransigeants sur ces questions.

"Nous sommes fermes, nous ne sommes pas fermés". Invité d’Europe1 lundi, le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a justifié la position française : "nous sommes fermes, nous ne sommes pas fermés, nous voulons la paix, nous voulons aller jusqu'au bout ", a-t-il fait valoir. "Nous ne sommes pas loin d'un accord avec les Iraniens mais nous n'y sommes pas encore", a indiqué le ministre des Affaires étrangères, assurant que les grandes puissances étaient "absolument d'accord" sur les termes de la négociation et que la France n'était "ni isolée ni suiviste" dans ce dossier. Pour la France, a rappelé Laurent Fabius, un bon accord permettrait à l'Iran de jouir du nucléaire civil, mais en aucun cas de se doter de la bombe nucléaire. "La sécurité de la région et du monde est en jeu", a-t-il argumenté.

La France veut peser au Proche-Orient. Derrière le discours officiel, Hussein Ibish, chercheur au Centre de réflexion American Task Force on Palestine, voit la confirmation de la volonté de la France d’être un acteur majeur au Proche-Orient. "Avec cette intervention de dernière minute, la France a une nouvelle fois fait la preuve qu'elle était devenue ces dernières années, le pays occidental le plus belliciste au Proche-Orient et dans les Etats voisins", explique-t-il, rappelant que "la France a poussé pour l'intervention en Libye, a envahi et sauvé le Mali, était la plus enthousiaste à l'idée de frapper la Syrie, et sur l'Iran, c'est elle qui a refusé de signer un accord".

Pour Alireza Nader, spécialiste auprès de Rand Corporation, l'initiative française n'a rien de "nouveau". "Les négociations précédentes entre l'Iran et le groupe des 5+1, dont la France fait partie, contenaient les mêmes demandes qu'aujourd'hui. Il est frappant de constater que beaucoup de personnes sont surprises. La question est plutôt de savoir pourquoi la France a-t-elle pris cette position à ce moment-là?"

De nouvelles négociations le 20 novembre. Quoi qu’il en soit, le chef de la diplomatie américaine John Kerry a assuré que Washington n'était pas engagé "dans une course" pour aboutir à un accord avec l'Iran sur son programme nucléaire et a démenti toute divergence au sein des puissances impliquées dans les négociations avec Téhéran. Le groupe P5+1 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne) doit se retrouver le 20 novembre pour une nouvelle vague de négociations.

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