Karadzic joue les hommes de paix

Radovan Karadzic dispose de 300 heures allouées par les juges et compte appeler 300 témoins à la barre.
Radovan Karadzic dispose de 300 heures allouées par les juges et compte appeler 300 témoins à la barre. © Reuters
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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
L'ex-chef politique des Serbes de Bosnie, accusé de génocide, estime devoir être "récompensé".

Pour les familles de victimes, il s'agit d'une nouvelle provocation. Devant le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, Radovan Karadzic, l'ex-chef politique des Serbes de Bosnie, n'a pas hésité à demandé une récompense pour ses actions en faveur de la paix.

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• De quoi est-il accusé ? Les chefs d'accusation sont lourds. Radovan Karadzic, 67 ans, est poursuivi pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre commis pendant la guerre de Bosnie, entre 1992 et 1995, au cours de laquelle 100.000 personnes sont mortes. Il doit notamment répondre du massacre de près de 8.000 musulmans à Srebrenica, dans l'est de la Bosnie, en juillet 1995, le pire massacre en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Selon l'acte d'accusation, il a tenté de "chasser à jamais les musulmans et Croates de Bosnie des territoires revendiqués par les Serbes de Bosnie". Ce psychiatre de formation avait été arrêté en juillet 2008 à Belgrade, où il vivait sous un faux nom et pratiquait la médecine alternative, après s'être caché pendant treize ans.

Pour se défendre, Radovan Karadzic dispose de 300 heures allouées par les juges et compte appeler 300 témoins à la barre.

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• Qu'a-t-il dit à l'audience ? Chevelure grise en bataille et le front barré de sa mèche, Radovan Karadzic, vêtu d'un costume noir et d'une cravate rayée bleue et blanche, s'est présenté, devant les juges, comme un homme de paix. "Je ne devrais pas être accusé. Je devrais être récompensé pour toutes les bonnes actions que j'ai faites. J'ai fait tout ce qui était humainement possible pour éviter la guerre et réduire la souffrance humaine", a-t-il assuré calmement, au début de la présentation de la défense. "Personne n'a pensé qu'il y aurait un génocide en Bosnie", a-t-il martelé, ajoutant être un homme "doux, tolérant, avec une grande capacité à comprendre les autres".

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Il a ensuite évoqué le bombardement de Sarajevo et notamment celui de la place du marché de Markale, qui a fait 67 morts. Selon lui, "des corps de personnes qui étaient mortes de manière naturelle avaient été pris à la morgue et mis sur la place du marché pour créer un sentiment de catastrophe".

Comment ont réagi les familles de victimes ? Des membres de l'association des "Mères de Srebrenica", ainsi que des survivants des camps de concentration installés à proximité de Prijedor, ville du nord-ouest de la Bosnie, se sont rendus à La Haye. Lors de l'audience, ils ont jeté à Karadzic des regards incrédules pendant sa déclaration, parfois accueillie par des cris d'indignation.

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Fikret Alic est également présent à La Haye. Sa photo prise il y a vingt ans, le 5 août 1992, montrant une silhouette émaciée derrière les fils barbelés avait fait le tour du monde. Celui qui révélé l'existence de ces camps au cœur de l'Europe explique être venu "pas uniquement pour Karadzic mais pour représenter toutes les personnes qui ont souffert de ses actions". "C'était très humiliant d'entendre son discours", a-t-il réagi : "le monde entier a vu ce qu'il s'était passé en Bosnie. Il ne peut pas se présenter comme un gardien de la paix".

Il veut "tromper le monde" lorsqu'il affirme devant le même TPIY avoir fait tout son possible pour "éviter la guerre", a lancé Kada Hotic, membre de l'association des "Mères de Srebrenica". Karadzic "a effectivement réduit les souffrances de milliers de gens en les envoyant sous terre", en les tuant, a ironisé amèrement cette femme qui a perdu son fils, son époux et plus de 50 membres de sa famille.