Guantanamo : l'alimentation forcée en procès

Un détenu de Guantanamo attaché sur une chaise
Un détenu de Guantanamo attaché sur une chaise © Reuters
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avec agences , modifié à
Aux Etats-Unis, le procès a permis d’en savoir plus sur les méthodes controversées dans la prison américaine.

LE PROCES. Le gouvernement américain aurait préféré que les audiences se tiennent à huis clos. Mercredi, lors du procès de l’alimentation forcée à la prison de Guantanamo, l’administration Obama a décrit les conditions dans lesquelles les détenus grévistes de la faim sont nourris de force. Une méthode "fiable" et des contentions "confortables", selon eux.

Au cours de la troisième journée d’audience de ce procès historique, il a été question "d’équipe d’extraction de force des cellules", de "chaise de contention", de "sangles" et de "bouclier anti-crachats". Devant la juge fédérale Gladys Kessler, chargée de traiter la plainte d’un détenu qui réclame la fin de ce traitement, l’administration de la prison de haute sécurité doit justifier sa manière pour résoudre le problème du "jeûne non religieux de long terme", autrement dit la grève de la faim dans le jargon de Guantanamo.

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Guantanamo

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Les "soumis" et les "insoumis". Deux types de grévistes de la faim se distinguent : les "soumis" et les "insoumis". Aux premiers, le droit d’être nourris par sonde gastrique "sur un fauteuil normal, en regardant la télévision", si tant est qu’ils restent "obéissants". Les autres, les "insoumis", n’ont pas droit à la "méthode douce" de l’alimentation forcée.

La procédure est généralisée à tous les récalcitrants de l’alimentation forcée. Les soldats de l’équipe d’extraction de force des cellules débarquent, matraque et bouclier "anti-crachats" à la main, et menottent le détenu. Parfois, le prisonnier est sanglé à une planche avant d’être traîné, comme l’expliquent les avocats du Syrien Abou Dhiab, qui ont pu voir des vidéos déclassifiées à l'occasion du procès.

Une fois la tête, les chevilles et les bras du détenu attachés à une "chaise de contention", les gardiens peuvent lui mettre, "si besoin, un masque anti-crachats […] sur le visage pour l’empêcher de cracher sur les gardiens ou les infirmiers", a expliqué le procureur. Selon Andrew Warden, le gréviste de la faim peut ensuite choisir "le parfum de la substance nutritive : noix de pécan, chocolat, vanille, fraise", ainsi que les bonbons qu’il pourra sucer après ou encore le lubrifiant pour faire passer la sonde gastrique, insérée dans le nez.

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Une chaise "confortable". Le représentant du gouvernement au procès a décrit cette méthode comme "la plus fiable". John Bogdan, ancien commandant de Guantanamo, a précisé que "la chaise de contention n’a jamais été prévue pour punir les détenus ou pour se venger, mais pour assurer la sécurité des gardiens, des personnels médicaux et des détenus", affirmant que cette chaise est "capitonnée et confortable, comme une chaise normale".

Ce n’est pas l’avis d’Abou Dhiab, le prisonnier qui a intenté ce procès pour que cesse cette méthode d’alimentation. Lui parle d’une "chaise de torture".

Par ailleurs, le procureur affirme que les détenus se voient offrir "des antalgiques comme de l’Ibuprofen, s’ils expriment une gêne" pendant le gavage qui ne durait jamais plus de 20 minutes, selon lui. Le gouvernement a affirmé devant la juge dubitative que des sondes de taille pédiatrique étaient utilisées pour limiter la douleur. Mais selon un médecin qui a témoigné mardi, ces petits tuyaux n’étaient insérés que pour l’extraction de drogues ou de poison, et non pour alimenter les grévistes de la faim.

Des vidéos déclassifiées. Ce procès, qui s’est ouvert lundi, est le premier sur les conditions de détention qui ont cours à Guantanamo, où sont emprisonnés hors de toute procédure judiciaire des détenus à haut risque, soupçonnés de terrorisme. Des médias américains, dont le New York Times, ont obtenu la déclassification de vidéos, mais impossible pour l’instant de savoir quand elles seront publiées.