Grèce : la victoire de Syriza, ça change quoi ?

© LOUISA GOULIAMAKI / AFP
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avec Gwendoline Debono, envoyée spéciale en Grèce , modifié à
DECRYPTAGE - Déjà au pouvoir dans plusieurs municipalités depuis mai dernier, le parti de la gauche radicale et ses ambitions sociales se trouvent confrontés à une réalité budgétaire très difficile.

Les ambitions de Syriza sont à la hauteur de la victoire remportée dimanche. Après des législatives victorieuses, le parti de la gauche radicale grecque mené par Alexis Tsipras doit désormais faire face à un défi de taille : faire de son programme de redistribution sociale et de relance de l'activité économique une réalité. Après avoir remporté plusieurs mairies lors des municipales en mai 2014, Syriza a déjà fait la difficile expérience de l'exercice du pouvoir.

>> Europe1.fr  liste les principales mesures comprises dans le programme de Syriza, et observe si elles ont déjà été appliquées localement dans les villes contrôlées par le parti de la gauche radicale.

LES MESURES ANNONCÉES

Voici les principales promesses (parmi les 27 points détaillés de son programme) qu'il avait alors avancées, qui répondent aux deux besoins urgents du pays : le traitement de la "crise humanitaire" d'un côté, la "relance de l'économie réelle" de l'autre.

• Rétablissement du courant électrique pour 300.000 ménages. En effet, on estime que 300.000 grecs sont aujourd'hui privés de courant pour cause de factures impayées.

• Création de 300.000 emplois dans le secteur public.

• Rétablissement du salaire minimum à 751 euros (contre 586 aujourd'hui), soit son niveau avant la crise.

• Universalité et la gratuité des soins de santé. Aujourd'hui, on estime que 30% de la population environ ne bénéficie plus de couverture sociale.

• Relèvement du plafond d'exonération d'impôts jusqu'à 12.000 euros de revenu annuel (contre 5.000 aujourd'hui).

• Abandon d'une nouvelle taxe foncière mise en place en 2014, très impopulaire.

• Réouverture du groupe audiovisuel public, fermé en 2013 malgré des grèves monstres et une forte agitation politique.

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LES MOYENS NÉCESSAIRES

Pour mener de front toutes ces réformes, Syriza estime pouvoir trouver 12 milliards d'euros sur les deux prochaines années.

• Un plan de recouvrement des impôts (permettre aux contribuables endettés de régler leurs impôts petit à petit plutôt que de vouloir les faire payer la totalité) et la relance de l'économie (3 milliards).

• Un plan de lutte contre l'évasion fiscale (3 milliards) et une meilleure utilisation des fonds européens et ceux issus du Fond de Stabilité Financière fait aussi partie des plans de Syriza (6 milliards).

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LA RÉALITÉ OBSERVÉE

Si Syriza n'a jusqu'à maintenant jamais fait l'expérience de l'exercice du pouvoir au niveau national, le parti de la gauche radicale grecque a remporté plusieurs mairies lors des municipales de mai 2014. Parmi elles, celle de Vironas, dans la banlieue d'Athènes, gérée par Grigoris Katopolis.

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Vironas, laboratoire local des politiques de...par Europe1fr

Fan de Chavez. Dans le bureau de l'édile, impossible de rater l'imposante photo du défunt président vénézuélien Hugo Chavez, "un homme génial qui a fait beaucoup de social". Mais les ambitions sociales du maire, mathématicien de formation, sont contrecarrées par une équation insoluble : "On a trouvé beaucoup de dette en arrivant, à peu près l'équivalent de notre budget annuel. Notre principal problème, c'est d'augmenter nos recettes et de baisser nos dépenses", explique-t-il au micro d'Europe 1.

Un impératif qui rend plus difficile l'application du programme du maire, qui reste attaché à ses promesses : "Notre première préoccupation, c'est de redonner un logement à ceux qui n'en ont plus et de remettre l'électricité à ceux à qui on avait coupé le courant", poursuit-il. "En parallèle, on renforce aussi les structures sociales comme l'épicerie solidaire ou la pharmacie solidaire."

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"De toute façon, ils n'ont pas d'argent!". Depuis son arrivée à la tête de la municipalité, Grigoris Katopolis a logé 20 sans-abris. La pharmacie solidaire, elle, attend toujours l'aide de la mairie, comme l'explique un des bénévoles à Europe 1 : " Nous n'avons eu aucune aide. L e maire nous a promis de payer l'électricité puisque, comme vous le voyez, on a plus de courant. Mais il y a eu un problème administratif. De toute façon, ils n'ont pas d'argent!"

Pourtant, les habitants ne perdent pas espoir et gardent confiance en leur maire. Pénélope était dubitative après son élection, mais reconnaît que c'est un homme "honnête". Elle observe les efforts consentis par la nouvelle administration : " Il y a des gens qui sillonnent la ville pour savoir ce qui ne va pas. Mais ils réparent pour le moment, ils ne bâtissent pas."

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Des difficultés que connaît aussi Réna Dourou, femme politique très connue en Grèce qui a pris la tête de l'Attique, la plus grande région du pays. Malgré les difficultés budgétaires, elle se félicitait dans Marianne d'avoir proposé un nouveau plan de dépense des fonds européens validé par Bruxelles. Signe que malgré les craintes des marchés, Syriza et l'UE peuvent s'entendre.