Egypte : Morsi ou le retour de l’autocratie

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3’CHRONO - L’Egypte traverse sa première crise depuis l’élection de l’islamiste en juin dernier.

L’Egypte gronde. La décision du président islamiste Mohamed Morsi de maintenir un décret controversé élargissant ses pouvoirs réveille les démons de la dictature de l’ère Moubarak. Europe1.fr revient sur la première crise politique du pays depuis l’élection de Mohammed Morsi au mois de juin dernier avec 51% des voix.

Que dit le décret ? Le texte vise notamment à empêcher toute tentative de dissolution de l'Assemblée constituante ou de la Chambre haute du Parlement, deux assemblées dominées par les islamistes alliés à Mohamed Morsi. En d’autres termes, le texte accorde les pleins pouvoirs au "nouveau pharaon d’Egypte" comme l’appellent ses détracteurs. Face à la grogne, Mohammed Morsi tente de jouer l’apaisement et se dit prêt au dialogue avec ses adversaires tout en soulignant le caractère "provisoire" du décret.

La crainte de dérives autocratiques. Le décret inquiète l’opposition égyptienne et les magistrats. Pour la gauche, les libéraux, les socialistes et d'autres, le décret révèle les tendances autocratiques d'un apparatchik des Frères Musulmans qui avait été jeté en prison sous l'ère Moubarak. "Il n'y a pas de place pour le dialogue lorsqu'un dictateur impose les mesures les plus oppressives et détestables qui soient", a déclaré Mohamed ElBaradeï,  l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui s'est jeté dans l'arène politique sous l'étiquette libérale. Il n’hésite pas qualifier Mohamed Morsi de "dictateur".

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Un jeune garçon observe les affrontements entre la police et les manifestants place Tahrir, au Caire.

Des manifestations annulées. Les Egyptiens s’apprêtaient à nouveau à descendre dans la rue pour manifester en faveur ou contre le président. Mais les frères Musulmans ont retiré leur appel à manifester, mardi. Des échauffourées entre les manifestants et la police ont eu lieu le week-end dernier. Un jeune islamiste a été tué dimanche dans les heurts devant le siège des frères Musulmans à Damanhour, au sud d'Alexandrie. Des heurts avaient déjà éclaté mardi matin aux alentours de la place Tahrir.

"Morsi pense-t-il être notre Dieu ? Ce n’est qu’un homme", déclare un manifestant, place Tahrir, sur Al Arabiya :

L’armée reste très discrète. Omniprésente lors de la période transitoire entre la chute de Hosni Moubarak et l'élection de Mohamed Morsi, l'armée se garde bien d'intervenir dans la crise actuelle. Les militaires restent dans l'ombre depuis le limogeage en août dernier par le chef de l'Etat du maréchal Hussein Tantaoui et du général Sami Enan, respectivement ministre de la Défense et chef d'état-major des armées. Hussein Tantaoui avait dirigé le Conseil suprême des forces armées, assumant de fait le pouvoir après le renversement de Hosni Moubarak en février 2011.  "Le Conseil suprême et les forces armées ont quitté la scène politique après avoir transmis le pouvoir au président élu",  a rappelé un général souhaitant garder l'anonymat.

Une condamnation de la communauté internationale. L’opposition égyptienne attend maintenant un signe de la part de la communauté internationale. "J’attends, et je l'espère rapidement, une déclaration très ferme de condamnation de la part des Etats-Unis, des Européens et de tous ceux qui ont vraiment à coeur la dignité humaine", a fait savoir Mohamed ElBaradeï. Lundi, l’Allemagne a fait part de son inquiétude, soulignant son attachement à la démocratie dans ce pays après la révolution qu'il a connue.