Comment s'organise la Syrie "libérée" ?

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Charles Carrasco avec AFP , modifié à
Dans les zones contrôlées par les rebelles, les habitants s'organisent pour remplacer l'Etat.

Conseils révolutionnaires et tribaux, chefs militaires et politiques s'organisent dans les zones échappant au régime de Bachar Al-Assad. Les Syriens "libérés" ont installé leurs propres structures pour gérer leur défense, les affaires courantes mais aussi la pénurie de produits de base.

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Le pain et l'eau sont rationnés. La localité de Binnech, à 10 km à l'est de la grande ville d'Idleb au nord-ouest est "libre" depuis neuf mois. Mais comme partout en Syrie, la population, soit 45.000 personnes, connaît le manque d'eau, d'électricité, d'essence, de médicaments et surtout de nourriture. Depuis 16 mois, la contestation du pouvoir de Damas s'est militarisée au fil de la répression sanglante, mettant à genoux l'économie.

"Il n'y a pas de famine, on s'entraide", assure un militant non combattant se présentant sous le nom d'Abou Obeid, 43 ans. Reste que le pain devient une denrée rare. Dans les villes syriennes, des mesures drastiques ont été prises : "chaque famille a droit à une ration calculée en fonction du nombre de ses membres", précise un Syrien, se présentant comme "Abou Nasser".

La problématique est la même pour l'eau courante, essentielle en cette période à cause des températures très élevées : "on la stocke dans de vieilles citernes, parce que le régime la coupe parfois pendant plusieurs jours. Et il faut toujours la faire bouillir", déplore Abou Nasser. Quant à l'électricité, elle va et vient toutes les trois heures, selon les habitants de la région.

Des hôpitaux improvisés. Les forces gouvernementales contrôlent généralement les hôpitaux, pour éviter que des insurgés blessés ne s'y fassent soigner ou pour les arrêter s'ils s'y risquent. Du coup, les opposants ont établi des hôpitaux improvisés dans des maisons anonymes où l'équipement est sommaire.

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Un conseil révolutionnaire... Pour diriger la ville de Binnech, les hommes -les femmes ne jouant généralement pas un rôle public majeur- ont élu "un conseil révolutionnaire d'une centaine de membres", affirme Wassim, 25 ans.

Dans le Jabal Chahchabou, bastion rebelle du centre du pays, les villages sunnites accrochés aux petites montagnes, ont également créé un "conseil révolutionnaire" qui ne s'occupe que d'action militaire. Le volet civil est géré par un conseil tribal. En début de semaine, une trentaine de cheikhs se sont réunis pour évoquer les questions cruciales de coupures d'électricité, des écoles mais aussi des sanctions contre des criminels.

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... et un chef militaire. Des villes moyennes se sont également dotées de structures similaires dans les provinces d'Alep (nord), d'Idleb (nord-ouest) et de Hama (centre). En général, le "conseil révolutionnaire" est chapeauté par un chef politique et un chef militaire. A Karnaz, près de Hama au centre du pays, le chef militaire Tayssir Chaabane et son homologue civil Abderrazak Al-Hamdou se consultent sans arrêt sur les problèmes du jour.

"J'ai mis des gardes partout, pour éviter un nouveau massacre comme Treimsa", petite ville voisine où un raid gouvernemental a fait, selon une ONG, plus de 150 victimes le 12 juillet, annonce Tayssir Chaabane. "Quand on a repoussé le régime, on a pris la suite. Ça se passe plutôt bien", estime Abderrazak Al-Hamdou, un médecin.