"C'est un combat de tous les jours"

A Port-au-Prince, 810.000 sans-abris vivent dans des camps en tôle ou en toile
A Port-au-Prince, 810.000 sans-abris vivent dans des camps en tôle ou en toile © Reuters
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avec François Clauss , modifié à
Un an après le séisme en Haïti, notre envoyé spécial François Clauss dresse un bilan sur place.

Les images parlent d'elles-mêmes. Des monceaux de gravats comme une plaie béante. Un an après le séisme, moins de 10% des décombres ont été déblayés à Port-au-Prince. Dans cette ville en ruine, des centaines de milliers d'Haïtiens errent, désespérés. Officiellement, ils sont 810.000. Depuis 365 jours, jour après jour, ils se battent pour survivre dans des villages de tôle ou de toile. La ville compte ainsi quelques 1.150 camps de réfugiés. Des lieux synonymes de promiscuité, de violence à fleur de peau dont les premières victimes sont les femmes et les enfants.

Seber Menzi est un commerçant de 44 ans. Il a tout perdu il y a un an. Depuis, il vit dans le camp de la place Jérémie en plein centre de Port-au-Prince avec 270 autres familles. "Les gens ont faim, ils n'ont pas de quoi manger. Ils n'ont pas de quoi acheter quelque chose à donner à leurs enfants. Au début, l'eau n'était pas chlorée. Les femmes ont eu des infections vaginales, des infections de la peau. Les gens s'exposent au danger du choléra à cause des mouches qui sautent des latrines et viennent se poser sur leur nourriture. C'est un combat de tous les jours. C'est une violence psychologique. C'est difficile. c'est impossible même de vivre dans de telles conditions".

Pourtant, sur le terrain plus de 1000 ONG sont déployées. Elles ont permis d'éviter le pire : la malnutrition. Elles distribuent également chaque jour de l'eau potable, désormais chlorée pour éviter la propagation du choléra. Grâce à elles, les enfants haïtiens dans leur petit costume vichy peuvent aller tous les jours à l'école, même sous une toile. Pour le reste, rien. Pas de politique d'urbanisme, pas de politique de crédit. Bref, pas de gouvernement, pas d'Etat. Du coup, les donateurs sont frileux. Sur les 10 milliards de dollars promis après le séisme, moins de 1% sont arrivés en Haïti en un an.

Surmonter le traumatisme

Une question se pose alors. Dans un tel contexte, fallait-il organiser l'élection présidentielle ? Fallait-il organiser des cérémonies commémoratives ? La réponse ne fait aucun doute pour nombre d'Haïtiens. Un nouveau régime permettrait de relancer, de gérer le pays. Quant aux cérémonies, elles pourraient permettre de surmonter le traumatisme.

"Il y a deux ou trois fosses communes dans la région métropolitaine", , explique l'ambassadeur de France, Didier Le Bret. Je crois que c'est important qu'il y ait un lieu pour que les gens puissent se recueillir, puissent pleurer leurs morts. C'est le sens de ces commémorations. On ne peut pas passer par perte et profit quelque chose d'aussi important. Il faut sortir de ces grands chiffres abstraits : 230.000 - 250.000 - 300.000 morts. Il faut qu'un jour on ait une liste consolidée. Il faut que les gens qui ont perdu un proche puissent avoir aussi avoir réparation, qu'on puisse aussi débloquer les comptes des personnes décédées pour les ayants-droits. Il faut que les successions puissent se faire, qu'on puisse pleurer les morts et passer à autre chose, qu'on puisse reconstruire".

"Certains ne savent même pas où sont enterrés leurs proches" explique Didier le Bret :

"Debout les Haïtiens !"

Mais, pour cela Haïti a plus que jamais besoin de fonds, besoin d'une aide morale. Une attente entendue par les artistes. Trente cinq chanteurs haïtiens viennent de lancer une sorte de "We are the world" haïtien avec un message : "Debout les Haïtiens". Le titre sera mis en vente sur iTunes la semaine prochaine.