Muammar Kadhafi 1:22
  • Copié
avec AFP , modifié à
Des enquêteurs français ont mis au jour à Limoges la partie émergée de l'iceberg du pactole de 160 millions d'euros de Mouammar Kadhafi volé dans une banque de Benghazi (Libye) en 2017 avec l'interpellation la semaine dernière d'un couple qui cherchait à écouler des billets abîmés et détériorés.

Une histoire pour le moins rocambolesque. Des enquêteurs français ont mis au jour à Limoges la partie émergée de l'iceberg du pactole de 160 millions d'euros de Mouammar Kadhafi volé dans une banque de Benghazi (Libye) en 2017 avec l'interpellation la semaine dernière d'un couple qui cherchait à écouler des billets abîmés et détériorés, a-t-on appris mercredi de source policière. 

Pour une raison inconnue, en 2010 le gouvernement libyen commande plusieurs millions d'euros, en billets de 100 et 200 euros, à la Banque centrale allemande. L'argent est entreposé dans une banque à Benghazi (est). Mais début 2017, en pleine guerre civile, l'armée nationale libyenne fait main basse sur le trésor : 160 millions d'euros et 1 à 2 millions de dollars. La moitié de la somme en euros est bien conservée tandis que l'autre moitié, qui a séjourné un certain temps dans l'eau, est très dégradée, raconte une source proche de l'enquête à l'AFP.

Les enquêteurs s'attendent à ce que des billets réapparaissent un peu partout dans le monde pendant des années

L'armée nationale libyenne dépense les 80 millions d'euros en bon état pour acheter des armes et du matériel. Les 80 autres millions sont très abîmés : nettoyés avec des détergents, ils sont inutilisables, mais ce sont de vrais billets. Durant l'été 2018, la banque centrale européenne est avisée du retour en Europe de quelques billets. A 90%, ils proviennent de la communauté turque, et plus précisément de la mafia turque, selon une source policière. Les premiers cas concernent des employés maghrébins venus échanger les billets contre des neufs. Ils ont été payés au noir par des sous-traitants turcs. Trop de billets affluent sur le marché. L'alerte est donnée, l'ONU diligente une enquête et la Banque centrale européenne (BCE) demande début 2020 de ne plus reprendre les billets en cause, dont elle détient les numéros.

Ce sont les enquêteurs de l'Office central pour la répression du faux-monnayage (OCRFM) et du SRPJ de Limoges qui découvrent la ramification de Haute-Vienne. Le couple, qui travaille sur des marchés, se ravitaillait en Turquie. Il achetait les billets entre 50 et 75% de leur valeur faciale selon leur degré de dégradation. L'argent était, soit mélangé avec la recette des marchés, soit écoulé en Belgique. Début 2020, l'homme avait été interpellé par la police belge en possession de 15.000 euros de billets dégradés. Mais alors, l'alerte de la BCE n'avait pas encore été lancée. Si bien qu'il n'a pas été inquiété. 

40.000 euros écoulés ?

Au total, selon une source proche de l'enquête, le couple, qui a été mis en examen pour blanchiment aggravé et laissé en liberté, aurait écoulé 40.000 euros. Mais l'histoire ne s'arrête pas là. Les enquêteurs s'attendent à ce que des billets réapparaissent un peu partout dans le monde pendant des années, l'argent servant à différents trafics. Ils estiment à plusieurs millions les sommes restantes encore en Turquie.