Féminicide ou suicide ? Un Niçois jugé aux Seychelles après la mort de sa compagne

justice
Otom clame son innocence (Image d'illustration) © LOIC VENANCE / AFP
  • Copié
Europe 1, avec AFP
La justice tente de faire lumière sur la mort d'Emmanuelle Badibanga, 32 ans, retrouvée pendue dans son hôtel aux Seychelles le 27 avril dernier. Est-ce un féminicide ou un suicide ? Son compagnon, le street-artist niçois Otom, avait été incarcéré et risque la prison à perpétuité, mais clame depuis toujours son innocence. Le procès démarre ce jeudi aux Seychelles.

La justice cherche à savoir : la mort d'Emmanuelle Badibanga est-elle un féminicide ou un suicide ? Un street-artist niçois sera jugé à partir de jeudi aux Seychelles pour la mort de sa compagne, retrouvée sans vie en avril dans un hôtel de l'archipel, mais l'enquête française privilégie l'hypothèse de la pendaison et donc du suicide. Emmanuelle Badibanga, 32 ans, gérante d'un lieu dédié à de l'événementiel à Nice, avait été retrouvée par son compagnon, le 27 avril, pendue à l'accroche-serviettes de leur salle de bain au Club Med de l'île de Sainte-Anne, où ils séjournaient, dans ce pays de l'Océan indien.

L'autopsie, réalisée par un médecin cubain détaché aux Seychelles, avait conclu à un étranglement et non une pendaison. D'où l'incarcération depuis le 5 mai de son compagnon, Thomas Debatisse, les autorités judiciaires locales considérant ce dossier comme "fortement suspect". Street-artist de 35 ans, connu sous le surnom de Otom pour ses portraits à Nice de femme, de Rosa Parks à Simone Veil en passant par la Marianne républicaine, l'accusé, qui encourt la prison à perpétuité, clame depuis le début son innocence. "J'attends évidemment que la plus grande attention soit portée à tous les éléments qui ont permis de me convaincre de l'innocence de Thomas", a confié son avocat français, Me Richard Sedillot, lundi, depuis les Seychelles. Son client sera défendu sur place par l'avocat seychellois Basil Hoareau.

Prévu initialement pour un mois, le procès devrait durer plus longtemps, selon une source judiciaire locale. Après la sélection du jury, qui va occuper les premiers jours, de nombreux témoins seront appelés à la barre, une vingtaine pour l'accusation et cinq par la défense, essentiellement des experts français. Une enquête parallèle, pour homicide volontaire par conjoint, avait en effet été ouverte en mai à Nice, et ses conclusions sont opposées.

"Les éléments en notre possession sont en faveur d'une pendaison et non d'une strangulation", affirmait un de ces experts dans ses premières conclusions, citées en octobre dans le quotidien Nice-Matin et confirmées à l'AFP par le procureur de la République de Nice, Xavier Bonhomme.

"Aucune trace de coups"

"Il n'y a aucune trace de violences sexuelles, aucune trace de coups sur le corps, même si, un mois et demi après la première autopsie, en raison de la dégradation du corps, il faut rester prudent", expliquait alors Xavier Bonhomme. Un nouveau rapport a été déposé le 14 décembre, le parquet de Nice ayant demandé à deux autres experts, professeurs de médecine et médecins légistes, de réexaminer les expertises effectuées. Conclusion : "Il n'y a aucun argument en faveur d'une agression sexuelle et l'ensemble des éléments plaident en faveur d'une pendaison (...) et non d'une strangulation".

"Ces conclusions contredisent donc les conclusions du médecin des Seychelles ayant pratiqué l'autopsie", selon le procureur de Nice, qui s'étonne de n'avoir reçu "aucune réponse" des autorités judiciaires locales à ses demandes d'entraide pénale internationale. De fait, si une convention d'entraide judiciaire est en cours d'élaboration entre les deux pays, elle n'a toujours pas été signée. 

Au procès, Me Sedillot compte s'appuyer sur l'analyse des témoignages et de la vidéosurveillance du Club Med. Il fera également citer des experts qui présenteront les conclusions du dernier rapport d'expertise français qui "disculpe" son client. Représentée par Me Tewfik Bouzenoune, du barreau de Paris, la famille de la jeune femme ne souhaitait pas, dans un premier temps, s'exprimer publiquement.

Mais Françoise, sa mère, a finalement pris la parole dans Var Matin, le 24 janvier, "par colère", pour corriger "des propos erronés" et tous ces articles où Emmanuelle est présentée comme "dépressive", ce qu'elle n'était absolument pas". "Cette théorie (...) va dans le sens de la thèse du suicide et expliquerait évidemment des choses pour certains", a renchéri sa nièce Chloé.