Attentat déjoué : qui sont Mahiedine M. et Clément B., les deux suspects arrêtés ?

© boris HORVAT / AFP
  • Copié
Anaïs Huet avec Lionel Gougelot , modifié à
Mahiedine M., 29 ans, et Clément B., 23 ans, interpellés mardi matin à Marseille, se sont rencontrés en prison. C'est là qu'aurait germé leur projet radical.

Ils ont partagé leur cellule pendant seulement deux mois, en 2015, à la maison d'arrêt de Sequedin, dans le Nord. Mahiedine M., 29 ans, et Clément B., 23 ans, y étaient tous deux incarcérés pour des faits de droit commun. Une rencontre déterminante dans le parcours mortifère des deux hommes qui prévoyaient de commettre un attentat "dans les tous prochains jours".

Le profil d'un délinquant de droit commun. Au départ, Mahiedine M., originaire de Croix, près de Roubaix, n'est pourtant qu'un délinquant au casier judiciaire bien fourni. Entre 2004 et 2013, il est condamné pas moins de douze fois pour des faits de droit commun comme des violences ou des vols aggravés, a précisé le procureur de la République François Molins, mardi. En octobre 2013, il est arrêté pour trafic de cannabis et condamné à trois ans de prison. Direction la maison d'arrêt de Sequedin. Là, Mahiedine M. n'attire l'attention des surveillants que parce qu'il est soupçonné de faire rentrer du cannabis par le parloir. "Une mule qu'on avait à l’œil", assure un gardien interrogé par Europe 1. À nos confrères de L'Express, un autre surveillant le décrit comme "un détenu très pratiquant". "Même si, avec mes collègues, nous n'étions pas certains qu'il ait été radicalisé, on gardait un œil sur [lui], car on avait peur qu'il n'entraîne d'autres détenus vers un islam un peu trop extrême", explique le surveillant. Il évoque un détenu "peu discret", "à l'aise dès son arrivée" et qui "connaissait beaucoup de monde dans la prison".

Au départ, Mahiedine M. n'a donc pas vraiment le profil de l'islamiste qui tente d'embrigader d'autres détenus. C'est en fait au contact de son compagnon de cellule, Clément B., que Mahiedine M. verse dans l'islam radical. C'est avec ce jeune homme originaire du Val-d'Oise qu'il a été arrêté mardi. À Sequedin, Clément B. purgeait une peine de quatre mois de prison ferme pour détention de faux documents. Son casier judiciaire est nettement moins fourni que celui de son codétenu. Mais sa détermination, elle, est solide.

Le plus jeune fasciné par la mouvance tchétchène. Selon les informations d'Europe 1, Clément B. est en effet fasciné par la mouvance tchétchène, au point de souvent se faire passer pour un ressortissant de cette province musulmane du Caucase. Une fascination qui remonterait à son adolescence, lorsqu'il aurait été séquestré et libéré par des Tchétchènes, selon les explications fournies par sa mère à la police. C'est probablement à ce moment là et par admiration pour ce peuple que le jeune homme se convertit à l'islam, avant de fréquenter des Tchétchènes en Belgique, notamment à Verviers, auprès d'un imam radical. Arrêté en possession de papiers lituaniens, il purge deux des quatre mois de prison auxquels la justice l'a condamné, sous un faux nom, toujours tchétchène. 

À sa sortie de prison, le jeune homme disparaît un certain temps dans la nature. Les services antiterroristes le soupçonnent d'être allé au moins jusqu'en Turquie, peut-être jusqu'en Syrie. En décembre dernier, ils retrouvent sa trace à Roubaix, lors d'une perquisition administrative menée au domicile de Mahedine M.. Fiché S, ce dernier est alors soupçonné de vouloir se procurer des armes. Chez lui, les enquêteurs trouvent un drapeau de l'État islamique, de la documentation djihadiste, et, donc, Clément B. Se faisant passer pour un Tchétchène, le natif du Val-d'Oise est remis en liberté.   

Une fuite en avant. Mahiedine M., lui, a pris la fuite. Il ne refait parler de lui qu'au début du mois dans une lettre étrange envoyée au commissariat de Roubaix. Il y joint sa carte d'identité et sa carte bancaire avec ces quelques mots : "Je vous donne ma carte d'identité et ma carte (bancaire, ndlr) car à cause de vous je n'en ai plus l'utilité. Je vais bientôt me rendre, on discutera. […] Je n'ai rien à vous dire, je vis d'amour et d'eau fraîche, je médite, laissez-moi tranquille, salut". Les mots de Mahiedine M. ne trompent pas les enquêteurs. Rapidement, ils mettent la main sur une vidéo d'allégeance à Daech publiée par le suspect.

Il y a peu, les policiers espéraient encore le localiser à Roubaix avec son complice. Leur trace sera finalement retrouvée à Marseille. Selon le procureur de la République, "les éléments recueillis attestent que ces deux hommes se préparaient à mener une action imminente sur le territoire national".