Affaire Bettencourt : la juge Prévost-Desprez nie toute fuite

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Isabelle Prévost-Desprez à Bordeaux, le 8 juin 2015. © MEHDI FEDOUACH / AFP
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L.H. et Chloé Triomphe avec AFP , modifié à
PROCÈS - Jugée à Bordeaux pour violation du secret professionnel, la magistrate a nié en bloc les faits qui lui sont reprochés. 

C'est encore un nouveau volet de la tentaculaire affaire Bettencourt qui est jugé depuis lundi devant le tribunal correctionnel de Bordeaux. A l'ouverture de son procès, la magistrate Isabelle Prévost-Desprez a formellement nié avoir violé le secret professionnel dans l'enquête sur cette affaire, dont elle fut un temps chargée, avant d'en être dessaisie.

5.000 euros d'amende requis contre la magistrate. 

Le procureur Gérard Aldigé a requis une peine de 5.000 euros d'amende contre Isabelle Prévost-Desprez. "Les charges sont nombreuses et accablantes. Tout ramène à elle et les preuves reposent sur l'existence de faits matériellement établis", a lancé le procureur Aldigé dans un réquisitoire cinglant contre la magistrate, qu'il a accusée de "faute déontologique".

Elle nie avoir orchestré des fuites. La présidente de la 15e chambre correctionnelle de Nanterre est notamment soupçonnée d'avoir divulgué, dans des échanges téléphoniques, les détails d'une perquisition au domicile de Liliane Bettencourt le 1er septembre 2010, relatée le jour même dans Le Monde par le journaliste Jacques Follorou, avec qui la magistrate avait cosigné un livre quelques mois plus tôt.

Isabelle Prévost-Desprez "conteste absolument" avoir commis un tel délit, passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. Quand le procureur, ouvertement goguenard, s'étonne de ses contacts téléphoniques répétés avec une vingtaine d'organes de presse, elle répond qu'à sa connaissance, il n'est pas encore interdit de parler à un journaliste en France. Elle affirme par ailleurs n'avoir eu que des "discussions personnelles" avec Jacques Follorou, "un ami" de longue date.

Certaines coïncidences sont pourtant troublantes. Comme ce SMS que la juge a envoyé à un journaliste du Monde, sept minutes seulement après le début de la perquisition chez Liliane Bettencourt. Un peu plus d'une heure plus tard, le quotidien mettait en ligne son premier article sur le sujet. Pour sa défense, Isabelle Prévost-Desprez fait valoir que toute la hiérarchie policière était aussi au courant, mais aussi le personnel de Liliane Bettencourt.

Bras de fer avec le procureur Courroye. Pour expliquer les poursuites dont elle fait l'objet, Isabelle Prévost-Desprez a longuement évoqué lundi l'ambiance détestable qui régnait en 2010 au tribunal de Nanterre. Une lutte d'influence que le procureur Philippe Courroye et certains membres du parquet menaient à l'époque contre les magistrats du siège, sur fond d'amitiés politiques avec le pouvoir sarkozyste, assure Isabelle Prévost-Desprez.

Ce dossier est parti d'une plainte de Me Georges Kiejman, alors avocat de Liliane Bettencourt, pour "violation du secret professionnel". Une plainte déposée le jour même de cette perquisition chez l'héritière de L'Oréal, dans une procédure dont la magistrate de Nanterre avait la charge. Dès le lendemain, le procureur Courroye diligentait une enquête pour trouver la source des fuites publiées par Le Monde.

Pour l'avocat de la juge, Me François Saint-Pierre, qui compte demander sa relaxe mardi, il ne fait aucun doute que la plainte de Me Kiejman "visait de manière explicite le dessaisissement" d'Isabelle Prevost-Desprez d'une procédure qui s'intéressait alors aux liens entre la milliardaire et le financement de l'UMP, parti du président de l'époque Nicolas Sarkozy. Autrement dit, le but de la plainte aurait été d'écarter la juge Prévost-Desprez du dossier. Un temps mis en examen pour abus de faiblesse, Nicolas Sarkozy a bénéficié en 2013 d'un non-lieu dans cette affaire.