Affaire Bettencourt : la juge Prévost-Desprez comparaît à Bordeaux

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La juge Isabelle Prévost-Desprez est jugée pour "violation du secret professionnel". © JACQUES DEMARTHON / AFP
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C.P.-R. et C.T. avec AFP , modifié à
JUSTICE - Soupçonnée d’avoir violé le secret professionnel en marge de l’affaire Bettencourt, la juge de Nanterre Isabelle Prévost-Desprez comparaît lundi et mardi à Bordeaux.

Fait rare, c’est une magistrate qui va être jugée par ses pairs, lundi et mardi, au tribunal correctionnel de Bordeaux. Emblématique juge de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez comparaît pour "violation du secret professionnel" dans ce troisième volet judiciaire de l'affaire Bettencourt.

 

5.000 euros d'amende requis contre la magistrate. 

Le procureur Gérard Aldigé a requis une peine de 5.000 euros d'amende contre Isabelle Prévost-Desprez. "Les charges sont nombreuses et accablantes. Tout ramène à elle et les preuves reposent sur l'existence de faits matériellement établis", a lancé le procureur Aldigé dans un réquisitoire cinglant contre la magistrate, qu'il a accusée de "faute déontologique".

Une perquisition litigieuse. Cette femme de 55 ans, qui était en charge d’un complément d’information dans le dossier, est soupçonnée d’avoir transmis à deux journalistes du Monde, Gérard Davet et Jacques Follorou, des informations sur une perquisition au domicile de la milliardaire, le 1er septembre 2010, à Neuilly-sur-Seine dans les Hauts-de-Seine. A l’époque, la magistrate, qui devait notamment juger le photographe François-Marie Banier pour "abus de faiblesse" au détriment de la milliardaire, avait ordonné cette perquisition.

L’un des journalistes informé proche de Prévost-Desprez. Ce jour-là, les policiers arrivent sur place à 8h55. À 9h13, Isabelle Prévost-Desprez envoie un sms à un journaliste du Monde et une heure plus tard, le quotidien publie sur son site Internet un premier article relatant en détails la perquisition.

Après la parution de l'article, Me Olivier Kiejman, conseil de Liliane Bettencourt, porte plainte à l'encontre de la présidente de la 15e chambre correctionnelle du tribunal de Nanterre qu'il soupçonne d'alimenter la presse sur l'affaire. Dans son argumentaire, Me Kiejman rappelle que l'un des deux journalistes auteurs de l'article, Jacques Follorou, avait quelques mois plus tôt co-signé avec la magistrate un livre intitulé Une juge à abattre. 

Victime d'un conflit ouvert avec Philippe Courroye ? La plainte pour "violation du secret professionnel" est déposée auprès du procureur de Nanterre de l'époque, Philippe Courroye - réputé proche de Nicolas Sarkozy, lui-même un temps soupçonné dans cette affaire. Philippe Courroye lance alors une enquête préliminaire puis une information judiciaire. Mais les deux magistrats, qui ne s'apprécient guère, se livrent une guerre sans merci au sein du tribunal de Nanterre. Une inimitié dont Isabelle Prévost-Desprez s'estime victime dans cette affaire. Dans le passé, l'un et l'autre avaient pourtant travaillé, main dans la main, sur des dossiers ultra sensibles au sein du prestigieux pôle financier du TGI de Paris.

42 sms envoyés au journaliste du Monde. D'autre part, pour sa défense - et sans jamais nier ses relations amicales avec Jacques Follorou - la magistrate a reconnu lui avoir adressé deux SMS le 1er septembre 2010. Le premier envoyé à 9h13, quelques minutes après le début de la perquisition, visait selon elle à confirmer un déjeuner avec leur éditeur. Dans le second, envoyé à 10h48, 12 minutes seulement après la mise en ligne de l'article du Monde, elle a démenti avoir été présente lors de la perquisition chez Liliane Bettencourt. Si l'enquête n'a pu retrouver le contenu de ces SMS, elle a établi qu'Isabelle Prévost-Desprez avait de nombreux contacts avec la presse. Entre le 23 juillet et le 1er septembre 2010, la juge a ainsi passé une cinquantaine d'appels à des organes de presse et a adressé 42 sms à un journaliste du Monde. 

Dépaysement à Bordeaux. En novembre 2010, la procédure lancée à son encontre vaut à Isabelle Prévost-Desprez d'être dessaisie du dossier Bettencourt. L'affaire est alors dépaysée à Bordeaux, loin des vives tensions entre les deux magistrats. Lundi, la magistrate comparaîtra donc finalement sur le même banc des prévenus que François-Marie Banier, celui même qu'elle aurait dû juger à Nanterre.