Garde à vue : les Deux-Sèvres résistent

Le bâtonnier a demandé à ses avocats de ne pas appliquer le nouveau régime.
Le bâtonnier a demandé à ses avocats de ne pas appliquer le nouveau régime. © MAXPPP
  • Copié
avec Pierre de Cossette et AFP , modifié à
Le bâtonnier a demandé à ses avocats de ne pas appliquer le nouveau régime.

Les avocats font de la résistance. Le basculement vers le nouveau régime de la garde à vue, avec présence accrue de l'avocat, a connu samedi son premier couac, les avocats des Deux-Sèvres refusant de l'appliquer, tandis que la transition vers cette garde à vue "new look" s'est faite sans gros incident ailleurs en France. Le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau des Deux-Sèvres, Laurent Di Raimondo, a jeté un pavé dans la mare en annonçant avoir demandé à ses avocats de permanence ce week-end de ne pas appliquer le nouveau régime de la garde à vue et "de s'en tenir aux textes anciens".

"Ce ne sont pas les juges qui font la loi, c'est le Parlement :

"Il est hors de question d'accepter de faire dans l'urgence n'importe quoi dans la plus totale précipitation", a dénoncé le bâtonnier. Depuis que la Cour de cassation a décidé vendredi après-midi l'application "immédiate" en France du nouveau régime de la garde à vue, policiers, gendarmes, avocats et magistrats se sont mobilisés dans l'urgence. Consignes ont aussitôt été données par la Chancellerie et le ministère de l'Intérieur d'exécuter la décision.

"L'impression d'être une potiche"

A Paris, Me Grégoire Etrillard, jeune avocat du barreau, a été l'un des premiers à étrenner ce qu'il appelle une "révolution historique" de la procédure pénale, en assistant pendant 24 heures aux auditions de son client en garde à vue. Une situation impensable avant la réforme : l'avocat ne pouvait rencontrer son client qu'une demi-heure au début de la garde à vue. Il peut maintenant être présent à tous les interrogatoires.

Mais dans l'Essonne, Me Xavier Watrin a eu "l'impression d'être une potiche, de faire beau dans le décor" pendant l'interrogatoire de son client par l'officier de police judiciaire (OPJ). De fait, "l'avocat (ne) peut (pas) poser des questions au policier pendant l'interrogatoire", a expliqué Arnaud Verhille, commissaire à la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP), qui a piloté la "hotline" "Garde à vue assistance" ouverte par la préfecture de police pour répondre aux questions des OPJ.

Arnaud Verhille a aussi fait état d'un "incident dans le XVIIIe arrondissement avec un avocat qui a voulu poser des questions à l'OPJ et s'est violemment emporté". Outre le cas des Deux-Sèvres, la garde à vue "nouvelle formule" s'est déroulée à peu près sans encombre dans le pays. "Le basculement juridique s'est fait de manière organisée et uniforme" à Paris et dans la petite couronne, s'est félicité le commissaire Verhille.

"Aucun grippage dans la machine"

Cela s'est déroulé de manière d'autant plus "apaisée" que les demandes d'assistance longue durée par un avocat ont été assez limitées : une quinzaine depuis vendredi à Paris, a dit le bâtonnier Jean Castelain. Sept ou huit à Lyon samedi, selon un policier. "Il n'y a eu aucun grippage dans la machine", s'est-on félicité au commissariat central de Marseille. Mais à Lens, "on se débrouille, on fait du bricolage", a déploré un policier. De même à Bordeaux, où les policiers "sont assez stressés car la réforme est lourde et nous n'avons ni les moyens ni le temps de l'appliquer, cela va être tendu", a prévenu Aymed Korbosli, du syndicat SGP-FO.

"Maintenant on entre dans le fond du problème logistique et matériel", a résumé le commissaire Verhille, en écho aux récriminations des policiers, notamment l'inadaptation de leurs locaux pour les auditions. Des avocats s'inquiètent aussi de leurs rémunérations pour ces interventions à rallonge. Ceux de Seine-Saint-Denis sont en grève depuis lundi à ce sujet et manquaient à l'appel pour répondre aux besoins des policiers depuis vendredi, a déploré Arnaud Verhille. Il y a eu en France 800.000 mesures de gardes à vue en 2009 et l'objectif est de revenir à 500.000 par an.