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Marc Messier brosse ce dimanche le portrait de Salman Khan, acteur vedette de Bollywood, qui se retrouve en prison pour avoir tué une antilope protégée, il y a 20 ans.

Sa musculature hypertrophiée était à 2 doigts de craquer sous sa chemise en soie noire. Ses lèvres plissées en une moue méchamment renfrognée. Des Ray Ban teintées pour occulter sa colère : Salman Khan n’avait pas la tête des bons jours, en s’engouffrant dans son 4X4 blindé, à la sortie du tribunal. 5 ans de prison pour une gazelle. Les boules. L’envie, à l’énoncé du verdict, de cogner tous les Bishnoïs du Rajasthan. Les Bishnoïs : ceux qui l’ont fait condamner. Des éleveurs écolos-végétariens qui vivent dans le désert du Nord du pays. Une petite communauté qui s’est juré de punir Salman Khan pour un crime commis il y a 20 ans : la mort d’une Chinkara, une gazelle sacrée, tuée par Khan, lors d’un petit safari qu’il avait organisé, en 1998, avec une bande de copains, acteurs de Bollywood. Un sacrilège pour les Bishnoïs, qui vénèrent cette espèce de petite antilope du désert, depuis que leur gourou, mort il y a 5 siècles, leur avait annoncé qu’après sa disparition, il se réincarnerait indéfiniment en Chinkara. Des gens singuliers ces Bishnoïs, dont il n’est pas rare de voir les femmes, allaiter les faons orphelins de Chinkara.

Une tribu d’arriérés pour Salman Khan qui s’enorgueillit d’incarner dans la vie et au cinéma un héros de l’Inde du 21ème siècle, l’Inde du Numérique, des nanotechnologies et du business international.  L’inde, superpuissance du 3ème millénaire, le pays le plus peuplé du monde dans 30 ans.  Salman Khan, un indien d’aujourd’hui et de demain.  Refermé le livre d’hier des vieux maharajas scintillants, des Grands Moghols conquérants, des Fakirs à poil et des magiciens enturbannés.  Salman Khan. Une méga-star au pays de Mital et de Tata-Motors. L’un des acteurs les plus bankables de Bollywood, la Mecque du Cinéma Indien, implantée depuis plus d’un siècle à Mumbai, le nouveau nom de Bombay, la ville historique du 7ème art made in India. Bombay ou le 1er film a été projeté en 1896. Un court-métrage totalement exotique pour l’endroit, puisqu’il s’agissait de "L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat", l’un des 1ers films réalisés par les frères Lumière, après leur invention du cinématographe.  Les deyx frères bisontins, un peu à l’origine de Bollywood. Bollywood et  ses 1.500 films produits chaque année, 4 par jour, 3 fois plus que les américains, 3 fois moins cher qu’eux.

Entendu sur europe1 :
La peau d’une gazelle ayant, visiblement, beaucoup plus de valeur que celle d’une femme ou d’un SDF

Bollywood et sa corniche de Bandra, ou vivent les stars, les unes à côté des autres. 6 danses et 3 musiques, en moyenne, pour une scène d’amour. Entre 3 et 5 heures de pellicule. L’outrance des sentiments. Le "surjeu" des acteurs. Les saris sang et safran des danseuses allumeuses. La pègre derrière les décors. Le parfum des actrices et du scandale. L’odeur du stupre et des dollars au milieu des relents d’encens.  Bollywood et ses stars absolues, des idoles pas loin de Vishnou et de Ganesh.  Salman Khan, 52 ans,  est l’un de ces demi-dieux Bollywoodiens. Un héros, auquel s’identifient ses dizaines de millions de fans, qui se coiffent et s’habillent comme lui, qui font de la gonflette comme lui et surtout qui vont voir et revoir tous sa centaine de films. Parfois 4, 5, 6 fois. Le cinéma, une culture singulière en inde. Des milliards de billets vendus chaque année. A 50 centimes le ticket, même les plus miséreux font la queue. 

Salman Khan. "Bhai" frère" en hindi, comme le surnomment ses adorateurs, qui voient en lui un modèle de virilité. Le mâle démesurément costaud, archi-burné, aussi macho qu’invulnérable, une espèce de John Rambo à l’indienne qui vient à bout de tous ses ennemis. Un héros de cinéma, mais aussi un exemple de réussite sociale. Celle d’un indien qui a gagné 37 millions de dollars, l’année dernière et qui figure désormais parmi les 10 acteurs les mieux payés du monde. Le fric, le toc, les apparences. Le rêve pour une immense majorité d’indiens naïfs et analphabètes. Des indiens qui ont toujours pardonné au Bad Boy de Bollywood toutes ses conneries. Et Brahma sait que Salman Khan a souvent dérapé. Comme cette nuit de 2002 ou il écrasé un sans-abri avec sa voiture. L’ivresse. Une sortie de route. Un trottoir, un délit de fuite et finalement un acquittement en 2015.

Le poids de l’argent, de la célébrité et de la mafia indienne, vieille marraine de Bollywood ont clairement fait pencher la balance de la justice indienne en faveur de la relaxe. On passera sur les violences dont l’a accusé l'ancienne Miss Monde, devenue actrice, Aish warya Rai, sa compagne pendant quelques années. Une histoire sans sexe, selon lui. L’acteur expliquant à la télé, qu'il était encore vierge et qu'il se préservait pour sa future femme. De l’humour à l’indienne sans doute. Un humour que Salman Khan semblait avoir complètement perdu cette semaine, en sortant du tribunal : La peau d’une gazelle ayant, visiblement, beaucoup plus de valeur que celle d’une femme ou d’un SDF. 2 espèces, en Inde, toujours non protégées.