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Et si un revers n'était que le prémisse d'une victoire ? Dans la matinale d'Europe 1 vendredi, Virginie Phulpin fait l'éloge de la défaite en sport, dans une époque ou la culture de l'instant nous pousse à tout vouloir immédiatement. 

C’est l’édito sport de Virginie Phulpin. Ce matin, vous voulez nous vanter les mérites des défaites en sport. La culture de l’instant dans laquelle on vit à notre époque, notamment avec les réseaux sociaux, nous pousse à tout vouloir, tout de suite, et surtout gagner. Mais pour vous, finalement, ça rend les victoires moins savoureuses.  

Est-ce qu’on aurait autant apprécié la coupe du monde 2018 s’il n’y avait pas eu Knysna en 2010 ? Le trophée de 1998 aurait-il eu la même saveur si les Bleus n’avaient pas vécu le traumatisme de France Bulgarie en 1993 ? Ce sont les défaites les plus cuisantes qui obligent les équipes à se réinventer, et qui donnent toute leur valeur aux victoires.

Je me suis entretenue hier avec Laurent-David Samama, auteur d’un essai qui s’appelle "Eloge de la défaite", et j’ai été vaincue. Obligée de reconnaître ce que nous apportent les revers. Ça n’est pas simple, de reconnaître une défaite, n’est-ce pas ?  

Aujourd’hui on vit dans la culture de l’instant. Je poste sur Instagram et je veux des likes, tout de suite. Et jamais je ne me montre sous mon mauvais jour. Et ça se ressent dans le sport. On ne veut voir Kylian Mbappé que comme le héros de Barcelone la semaine dernière. Pas l’ombre de lui-même quelques jours plus tard contre Monaco. On n’accepte que le meilleur, mais ça enlève la magie du sport.

La culture de l’immédiateté, ce sont aussi les propriétaires du Paris Saint-Germain qui ont investi beaucoup d’argent, et qui attendent un retour sur investissement. Ils n’ont pas envie de perdre du temps et des matches. Mais franchement, si le PSG remporte un jour la Ligue des champions, ne croyez-vous pas que ce sera encore plus savoureux parce que les Parisiens ont connu les affres de la remontada de Barcelone en 2017 ? Accepter la défaite, la digérer, se reconstruire, et les exploits deviennent moins cliniques, plus romantiques. C’est comme ça que naissent les légendes.  

Dans le sport français maintenant, c’est plutôt la culture de la gagne que l’éloge de la défaite ?  

Ils sont loin ces moments où le coeur de la France battait avec celui de Poulidor, le perdant magnifique. Loin aussi le temps où les Verts de Saint-Etienne défilaient sur les Champs-Elysées après une défaite en coupe d’Europe. Et pourtant, 45 ans après, on se souvient de ces foutus poteaux carrés.

Les défaites racontent une histoire. Elles marquent une vie, de sportif ou de supporter. Les victoires sont fugaces. Les sportifs les vivent en apesanteur, puis ils reviennent sur terre. Alors que les défaites les obligent à tout remettre en question. Elles laissent des traces indélébiles. Et je trouve ça plus intéressant de voir le chemin que prennent les sportifs pour évacuer la frustration que d’analyser les statistiques, et de glorifier l’exploit individuel à tout prix même dans un sport collectif.

Ça ne veut pas dire renier la culture de la gagne. Laurent-David Samama cite Michael Jordan dans son essai. "Tout au long de ma vie, j’ai échoué encore et encore. C’est la raison pour laquelle j’ai finalement réussi." Je nous souhaite à tous de perdre autant que Michael Jordan.