EDITO - "Entre l'esprit du jeu et l'économie du jeu, la Fifa a choisi"

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Lundi, Virginie Phulpin revient sur les nouvelles règles édictées par la Fifa pour accompagner la reprise des championnats de football. Cinq changements par match, pas d'arbitrage, vidéo... tout cela n'est fait que dans un but pour notre éditorialiste, permettre à l'économie du jeu de reprendre ses droits. 

Le football n’est plus exactement le même sport depuis vendredi. La Fifa a aménagé quelques règles pour faciliter la reprise des championnats dans différents pays. Pour vous, derrière la volonté affichée de protéger les joueurs, il y a quand même d’autres motivations. 

Entre l’esprit du jeu et l’économie du jeu, on dirait que la Fifa a choisi. Les équipes vont maintenant pouvoir faire cinq changements de joueurs au cours d’un match, au lieu de trois. Pour éviter les blessures après deux mois sans compétition. Ça c’est l’argument de la Fifa. Imparable, vous allez me dire. On se préoccupe enfin de la santé des joueurs.

Sauf que j’ai l’impression que la motivation principale est ailleurs. Le football est un sport avec des règles. Donc soit on peut reprendre les matches avec ces règles, on rejoue au foot, quoi, soit on ne peut pas pour l’instant, et on attend un peu avant de reprendre. Parce que sinon, on peut aussi décider faire des matches de 80 minutes et de jouer à quinze, tant qu’on y est.

Mais ça n’est plus du football. Donc en fait, la motivation, là-dessous, c’est l’intérêt économique de reprendre les championnats, et on est prêt à dénaturer un peu le football en adaptant les règles pour une reprise à marche forcée.

Et ils vont s’arrêter où, ces aménagements de règles ? Cinq changements au lieu de trois, à votre avis ça avantage qui ? Les gros clubs, ceux qui ont un effectif pléthorique, évidemment.Quand on a plein de très bons joueurs sur le banc, ça permet encore plus faire tourner. Alors que ceux qui ont des effectifs plus réduits ne pourront pas suivre. Ça va creuser encore le fossé entre les clubs les plus riches et les autres.

Et je suis prête à parier que les grosses écuries vont s’habituer à cette nouvelle donne, et militer pour que la règle provisoire se prolonge. La Fifa leur sert même sur un plateau l’argument de la santé des joueurs. Comme ça, les équipes pourraient jouer tous les deux jours, et elles ne pourraient même plus se plaindre.

Autre changement, jusqu’à la fin de l’année, on n’est plus obligé d’utiliser l’arbitrage vidéo.

Heureusement, tout n’est pas tout blanc ou tout noir dans les règles provisoires de la Fifa. Le VAR devient optionnel. Il faut dire que même ceux qui étaient pour l’arbitrage vidéo au départ se sont rendus compte que ça n’apportait pas grand-chose. Des temps morts en plus, mais pas de polémiques en moins. Alors là, on profite de la crise pour mettre le VAR sur la touche. Très bien. Même si ce serait plus honnête de d’avouer qu’on s’est trompé, mais il ne faut pas trop en demander non plus. 

Et puis c’est plus anecdotique, mais les joueurs ne pourront provisoirement plus célébrer leurs buts en se tombant dans les bras les uns des autres. Ils pourraient aussi être avertis d’un carton jaune en cas de crachat sur la pelouse. On est d’accord, il faut éviter pour l’instant. Et puis ça tombe bien, on a bien compris que la philosophie du football, en ce moment, ça n’était pas vraiment de cracher dans la soupe. 

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