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Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Bonjour Hervé Gattegno. Ce matin, vous voulez revenir sur le cas d’un ministre que l’on a dit sur le départ : Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics. D’après vous, il doit rester au gouvernement ; c’est un pronostic ou c’est un souhait ?

En fait, c’est les deux. Un pronostic parce que je crois vraiment que Gérald Darmanin aime être ministre, a fortiori être un ministre qui compte (au sens propre et au sens figuré), et qu’il n’a pas du tout envie de provoquer des tracas supplémentaires à Emmanuel Macron, qui en a déjà beaucoup en ce moment. Et puis oui, c’est une préférence parce qu’il me semble que le gouvernement d’Edouard Philippe manque cruellement de poids lourds politiques, d’hommes ou de femmes qui ont à la fois de l’habileté et de l’expérience – et que ça, justement, ce sont des qualités dont Gérald Darmanin n’est pas dépourvu.

Donc je ne doute pas qu’il soit attaché à sa ville de Tourcoing, mais je suis convaincu qu’il a encore des choses à faire à Bercy – et que donc, il va y rester.

Mais le fait est que le maire de Tourcoing, qui était un de ses proches (et qui lui avait succédé), est mort la semaine dernière. Si Gérald Darmanin a pu être tenté de reprendre sa mairie, est-ce que c’est en quelque sorte par dépit ? Il s’ennuie au gouvernement ?

C’est vrai que Gérald Darmanin n’est pas seulement doué, il est pressé. Il a deux mentors : Nicolas Sarkozy et Xavier Bertrand, et aucun des deux n’est connu pour sa patience. Avec Emmanuel Macron, il a une relation différente, parce qu’il est un plus jeune que lui mais qu’il a plus d’expérience politique que lui. Il y a eu d’abord une grande confiance entre Macron et lui, et puis cette confiance s’est abîmée l’été dernier quand il y a eu cette période de doutes sur la réforme du prélèvement à la source. Ensuite il y a eu le remaniement, tout le monde sait que Darmanin rêvait du ministère de l’Intérieur, il a été déçu de ne pas l’avoir.

Et puis il misait beaucoup sur le succès du prélèvement à la source, il faut dire qu’il a conduit ce chantier de main de maître ; et en fait, c’est le mouvement des Gilets jaunes qui l’a privé de son triomphe. Ce sont les infortunes de la vie politique. Il y a des ministres mais qu’on laisse tranquilles alors qu’ils sont un peu justes ; et d’autres qui sont à la hauteur, pour qui le sort est injuste.

Vous avez raison de souligner que pour l’instant, la réforme du prélèvement à la source a l’air de se passer sans la moindre difficulté. Est-ce qu’on s’est inquiété pour rien ?

Pour rien, sûrement pas. C’était un chantier immense, mais nous avons une administration fiscale qui marche extrêmement bien – vous me direz que c’est la moindre des choses, dans un pays où on paie autant d’impôts. Et lui, Gérald Darmanin, s’est montré à la fois précis, organisé et très bon pédagogue – il a mis sa patte sur ce dossier. En France, on a la manie de toujours envisager le scénario du pire, donc c’était plus facile d’imaginer que ça allait être le chaos.

Et on a trop tendance à voir la fonction publique comme une machine lourde et impotente – ce n’est pas forcément vrai, la preuve. Et puisque j’en suis à combattre les idées reçues : qu’on doive se demander si un ministre compétent est obligé de démissionner s’il veut redevenir maire de sa ville, ça paraissait évident il y a encore quelques mois, parce que le cumul des mandats est vécu comme un privilège archaïque. Peut-être que si on demandait leur avis, non pas à tous les Français (qui détestent les élus) mais aux habitants des villes concernées (qui apprécient souvent leur maire), on serait surpris du résultat.