• Copié
, modifié à

Chaque dimanche, Hervé Gattegno, directeur de la rédaction du "Journal du dimanche", livre son édito sur Europe 1.

Hervé Gattegno, vous revenez ce matin sur ce qui est pour vous le fait de la semaine : le retour en force d’Emmanuel Macron, à la faveur du "grand débat national" qui s’est ouvert jusqu’à la fin mars. Est-ce que, d’après vous, la sortie de crise est en vue ?

Ni pour lui, ni pour les Français – c’est évidemment trop tôt pour dire cela. Ce qui est vrai, c’est que l’ouverture de ce "grand débat" agit pour l’instant comme Emmanuel Macron l’espérait. Elle détourne l’attention, au moins en partie, des manifestations des "gilets jaunes". Elle permet de formuler et de canaliser les revendications du mouvement qui sont les populaires, (comme le RIC, le rétablissement de l’ISF, les 80 km/h, la hausse de certaines allocations…) ; ça peut aider à sortir peu à peu de la confusion. Et puis il faut le dire, c’est l’occasion pour Emmanuel Macron de faire son numéro : ça fait déjà deux fois qu’il tient l’estrade pendant plus de 6h devant des maires qui sont estomaqués ; il montre qu’il est à l’aise, qu’il a réponse à tout, ça le remet en selle. Et le fait est que, pendant ce temps-là, le mouvement des "gilets jaunes" tourne en rond et s’affaiblit. Hier c’était l’acte 10, mais cette semaine, c’est Emmanuel Macron qui a fait… du neuf.

C’est vrai qu’il a repris l’initiative mais comment être sûr qu’à l’arrivée, il ne va pas décevoir tous les Français qui, à travers ce grand débat, vont émettre des revendications ? Est-ce que ce n’est pas un piège pour lui ?

Le piège, c’était la fronde des "gilets jaunes". Il ne l’avait pas vu sous ses pieds, il y est tombé. Il a fallu qu’il lâche du lest (au moins 10 milliards d’euros) et le grand débat, précisément, c’est la voie qu’il essaie de trouver pour sortir de la nasse. Parce que dans notre système, le PR ne peut sortir d’une crise pareille qu’avec des moyens politiques. On a vite vu, après le recul sur la taxation des carburants, que ce ne serait pas suffisants. La colère des "gilets jaunes", elle ne peut pas s’apaiser qu’avec de l’argent. Donc il fallait une initiative politique : dissoudre l’Assemblée (c’était le rêve de Marine Le Pen), c’était s’exposer au risque de perdre sa majorité, c’était impensable. Changer de Premier ministre, c’est plus commode mais c’est trop tôt : il vaut mieux attendre après les élections européennes du mois de mai, parce que si elles sont mauvaises pour la majorité, le nouveau Premier ministre sera plombé d’entrée. Il reste le référendum, et tout indique que Macron y pense très fort. Il a raison.

C’est ça, pour vous, le scénario le plus probable : un changement de gouvernement après les européennes et un référendum pour répondre aux "gilets jaunes" ensuite ?

C’est certainement ce qui conviendrait le mieux à Emmanuel Macron. À condition quand-même que le mouvement des "gilets jaunes" ne rebascule pas dans la violence, ce qui perturberait la période électorale. Pour le référendum, il est clair que si les protestataires, et même un très grand nombre de Français qui ne manifestent pas, réclament de participer aux décisions qui les concernent, c’est le référendum qui est la bonne réponse. Il faudra trouver une série de questions importantes, 5 ou 6, qui puissent être formulées simplement ; il faudra qu’Emmanuel Macron se tienne à une distance raisonnable du débat à ce moment-là, qu’il demande en quelque sorte aux Français de l’aider à arbitrer sur ces sujets – par exemple sur la fiscalité, voire sur le système de retraite. Comme ça, quel que soit le résultat, il sera crédité de l’avoir fait mais il ne sera pas pénalisé par le résultat. Je crois que c’est ce qu’il a commencé à faire cette semaine : il prépare le terrain. C’est pour ça qu’il a promis d’être à l’écoute, mais que, d’un seul coup, on n’entend de nouveau plus que lui.