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Tous les jours dans la matinale d’Europe 1, Olivier de Lagarde scrute et analyse la presse du jour. Aujourd’hui, la conférence de presse de Vladimir Poutine, les relaxés de l'actualité et le portrait de Dominique de Villepin.

On commence par un anniversaire.

En décembre 1973, un livre paraissait à Paris faisant l’effet d’une bombe. L’auteur avait une stature et la figure intimidante d’un personnage de Dostoievski écrit Etienne de Montéty à la Une du Figaro.

Le livre portait le titre intrigant et génial l’Archipel du Goulag.

Et 50 ans après la voix de Soljenitsyne résonne encore affirme le journal. Et il faut lire l’histoire incroyable de ce livre. C’est Guillaume Perrault qui la raconte. Tout commence en 1945, Soljenistine, jeune scientifique qui termine la guerre comme capitaine est arrêté pour avoir critiqué Staline dans une simple lettre, huit ans de Goulag.

L’homme se jure alors de mener une lutte à mort contre le totalitarisme. À sa sortie de camp, l’ancien bagnard se fait oublier. Dans l’anonymat et l’indifférence, il écrit un premier petit livre que tout le monde a lu : "Une journée d’Ivan Dénissovitch". Parce que sa chance c’est que nous sommes en 1961 et Kroutchev se bat alors au Kremlin contre les ennemis de la déstalinisation. Ce récit de la vie quotidienne dans un Goulag par un inconnu lui parait le projectile parfait. Chose inouïe, le livre donc est autorisé à la publication en URSS. Puis en Occident où la déflagration est immense. Les communistes français ne peuvent le condamner, il a reçu l’imprimature du Kremlin.

Dans le plus grand secret celui dont l’aura commence à grandir va s’attaquer à l’écriture de l’archipel du Goulag. Durant des années, il va déjouer la surveillance du KGB et va réussir à transmettre secrètement le texte à un éditeur parisien.

Le livre va être retenu deux ans car Soljenistine craint les représailles pour ses proches. Ce n’est que quand sa secrétaire est arrêté qu’il se décide à jouer son va tout. Il transmet le code prévu pour imprimer le livre. Le Premier Tome parait en Russe à Paris, c’était il y a 50 ans tout juste. Soljenitsyne s’attend à être assassiné mais sa statut est devenu trop grande même pour les sicaires du KGB. Moscou préfère se débarrasser de lui en l’expulsant. Le livre contribuera à démystifier l’URSS. Plus tard Le directeur russe de l’imprimerie d’où sont sortis les premiers exemplaires demandera à être enterré avec l’ouvrage.

Ce qui nous amène à parler de cette conférence de presse de Vladimir Poutine.

Comme si l’histoire avait le hoquet, Poutine digne successeur de Staline s’est présenté à la télévision hier pour défendre son bilan et annoncer Ô surprise sa candidature à sa propre succession.

Dans Libération, Véronika Dorman,  nous raconte cette farce digne de Nicolas Gogol. « Flanqué de deux interviewers aussi lisses que cajoleur, Poutine a écouté avec un sourire de gros chat satisfait la rhapsodie habituelle de compliments obséquieux sur sa gouvernance ».

Loin du Kremlin, on passe maintenant à un bel exercice journalistique.

Oui celui de Robin Richardot qui signe dans le Monde une enquête très intéressante sur les parents des émeutiers de juillet dernier. Ou plus exactement sur leurs mères car 60% des interpellés sont issues de familles monoparentale. Et d’ailleurs les autres pères ont tous refusé de répondre au journal.

Le Monde raconte ainsi le désarroi mais aussi une forme de déni de ses mamans qui rejettent toute critique sur leur éducation. 

Je suis une bonne mère explique par exemple Elikia. Quand Obosso, son fils de 15 ans est interpellé à proximité d’un centre commercial pillé, toute la nuit elle cherche des avocats sur Internet. « Moi je voulais que mon fils soit défendu comme il faut. Les honoraires ont couté cher mais cela valait le coup, » Obosso a été relaxé au bénéfice du doute.

On passe à un autre relaxé de l’actualité.

Un relaxé particulièrement relax et pour qui les vicissitudes de la vie  sont moins onéreuses. C’est Alain Rémond dans sa chronique de la Croix qui soulève ce lièvre. Hier, Eric Dupont Moretti était l’invité d’une radio où un auditeur lui a demandé qui avait réglé ses frais d’avocat dans son affaire de conflit d’intérêt.

Réponse du ministre de la justice. « Il se trouve que mon avocate, Jacqueline Laffont, qui m’honore de son amitié, ne m’a tout simplement pas présenté sa note ».

Voilà le garde des sceaux qui se fait offrir des mois de travail par une ténor du barreau. Vous allez voir que certains mauvais esprits vont encore avoir des choses à redire.

On termine ce matin par un autre personnage flamboyant et qui fut aussi avocat.

Dominique de Villepin a droit à la première page de Libération ainsi que les quatre suivantes. Pourquoi un tel honneur ? Peut-être tout simplement parce que ce portrait est génial.

Villepin c’est lui aussi un personnage de roman russe. De Tolstoï peut être échappé de Guerre et Paix.

Diplomate, ancien Premier ministre, marchant d’art, entremetteur international. Il pense toujours stratégie comme son maître Napoléon, écrit Sophie des Déserts. Il prépare chacune de ses sorties cathodiques dans son Dupleix princier de l’avenue Foch.  

Comment en a-t-il les moyens ? Personne ne le sait. Il vit là avec sa fille et toutes ses œuvres d’art. Nicolas de Staël, Zao Wou Ki, Anselm Kieffer, un véritable musée parait-il. Il reçoit toujours en tête a tête, vin fin et plats mitonnés par son cuisinier.

Il a décliné toute rencontre regrette notre consœur mais lui a accordé trois longs entretiens par téléphone « J’ai 70 ans, je n’aime pas la lumière, ose-t-il lui répondre. Je n’ai de compte à rendre à personne sauf à ma conscience ».

Dominique Galouzeau de Villepin fait désormais parti de ces diplomates Vintage, ensuqués dans leur rêve de grandeur gaullo mitterrandienne.

Lisez vraiment ce portrait, où l’on apprend mille chose. Que son coup d’éclat reste bien sur ce discours devant l’ONU en 2003 où il avait tenté de dissuader les Américains de faire la guerre en Irak. Ce qui lui a valut la gloire dans le monde arabe et ce trait du politologue Bruno Tertrais, qui le qualifia de Patrick Hernandez de la diplomatie française, comparant Villepin au chanteur d’un seul tube.