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La princesse Charlotte de Belgique (1840-1926), épouse de Maximilien de Habsbourg (1832-1867), devient impératrice du Mexique le 10 avril 1864. Moins de trois ans plus tard, alors que son époux voit ses pouvoirs menacés par les insurgés mexicains, Charlotte est forcée de traverser l’Atlantique pour demander de l’aide à Napoléon III (1808-1873).

Ce sont les ambitions impérialistes de Napoléon III au Mexique qui ont conduit Maximilien de Habsbourg et son épouse à devenir empereur et impératrice du Mexique. Séduite par l’idée de devenir impératrice, Charlotte a beaucoup poussé son mari mais il n’aura pas fallu trois ans pour que ce rêve mexicain s’achève en eau de boudin.

Deux ans après être devenus empereur et impératrice, leur pouvoir est gravement menacé par les insurgés mexicains, soutenus par les Etats-Unis. En août 1866, Charlotte fait le voyage jusqu’en France pour rappeler Napoléon III à ses engagements : laisser des troupes au Mexique et quand le principal des troupes françaises se serait retiré, laisser la légion étrangère pendant six ans.

Elle lui met sous le nez le traité de Miramar et Napoléon est très gêné : cela fait déjà longtemps que son rêve mexicain est terminé. Il finit par lui avouer que l’aide ne viendra pas, ni sous forme financière, ni par des troupes armées.

Les premiers signes de la folie

Pour Charlotte, le coup est rude. Elle sait que sans aide militaire au Mexique, Maximilien ne tiendra pas et que le couple devra abdiquer. Elle est à bout de nerfs, exténuée par son voyage. On raconte une scène au cours de laquelle on lui apporte une orangeade, elle jette la boisson par terre en traitant Napoléon d’assassin et d’empoisonneur.

Juste après ce rendez-vous, elle écrit une lettre à son mari, dans laquelle commencent à percer les premiers signes de sa folie de persécution. Elle éprouve pour Napoléon III une véritable haine, écrit qu’il est le diable en personne.

Pour reprendre un peu de contenance, elle retourne à Trieste, en Italie, dans son joli château de Miramare sur les bords de l’Adriatique. Là-bas, alors qu’elle est déjà très agitée, elle se met tout à coup à divaguer. Elle se dit qu’elle doit aller voir le Pape et qu’elle pourra obtenir de lui que Napoléon III change d’avis.

le chateau de Miramare, demeure de Charlotte de Belgique

© Domaine public

L'étrange comportement de Charlotte à Rome

Elle entreprend alors un nouveau voyage épuisant de huit jours jusqu’à Rome. Entre temps, elle est prise d’une sorte de délire verbal, entrecoupé de quelques moments de lucidité et son entourage commence à être très inquiet.

Quand elle voit le Pape, elle passe toute son audience à expliquer au pontife que toute sa suite fait semblant de vouloir visiter Rome mais que ce sont en fait des empoisonneurs, des suppôts de Satan au service de Napoléon. Persuadée qu’on veut l’empoisonner, elle ne veut plus boire ce qu’on lui tend, et ces derniers temps, elle n’est sortie de chez elle que pour boire à la fontaine. Elle s’approche alors du Pape qui était en train de boire un chocolat, plonge ses doigts dans la tasse et prend le breuvage pour elle.

Le Pape comprend vite la situation : la fille du roi des Belges commence à perdre la tête. Il se montre bienveillant et autorise Charlotte à dormir dans ses propres appartements au Vatican pour qu’elle se sente rassurée.

Quelques jours plus tard, le 1er octobre 1688, elle est un peu calmée. On l’emmène visiter un couvent mais elle est morte de faim : elle ne mange que des clémentines et des noix dont elle examine avec soin les épluchures et les coques. Lors de la visite, elle tombe par hasard sur un ragoût qui cuit sur une cuisinière, plonge la main dans la mixture brûlante et en retire un morceau de viande qu’elle avale d’un trait avant de s’évanouir de douleur.

La mort de Maximilien cachée à Charlotte

On la rapatrie à son hôtel en urgence et on lui enfile une camisole de force. A partir de là, ses nuits deviennent affreuses, elle se promène de long en large toute la nuit, sa femme de chambre n’en peut plus. Son régime évolue légèrement : elle accepte maintenant de manger des poulets. Mais il y a une condition : ils doivent être tués, plumés, vidés et préparés dans sa chambre pour qu’elle vérifie qu’ils n’ont pas été empoisonnés. Quand son frère, le comte de Flandre, vient la chercher, il est surpris de voir des poulets attachés par la patte à des fauteuils dans une chambre de luxe à Rome…

Charlotte est ramenée à Miramare, où elle reste sous bonne garde pendant neuf mois. Sa folie alterne entre des épisodes de mégalomanie et des délires de persécution. Sa belle-sœur, la reine Marie-Henriette vient la chercher pour la ramener en Belgique. Entre temps, Maximilien est mort, fusillé en juin 1867. Charlotte ne l’apprendra que six mois plus tard.

La princesse belge ne retrouvera plus jamais la raison. Elle devient une petite dame égarée, qu’on promène comme une enfant, complètement indifférente au monde qui l’entoure. Elle ne meurt que bien plus tard, en janvier 1927, à 86 ans.

Le conseil de lecture: Michel de Grèce, L'impératrice des adieux, disponible aux éditions Plon.