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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Le 25 mars 2023, à Sainte-Soline, dans les Deux-Sèvres, une manifestation interdite contre des bassines d’irrigation avait dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre. Il y avait eu de nombreux blessés graves et des dégradations. Les organisateurs de la manifestation ont été condamnés hier par la justice.

Neuf personnes étaient jugées en correctionnelle à Niort, pour avoir organisé cette manifestation et une précédente, en octobre 2022. Le porte parole de Bassines non merci, le collectif organisateur, Julien le Guet, un historique de NDDL, a été condamné à un an de prison avec sursis, il n’a pas le droit de se rendre sur les communes des bassines pendant 3 ans. Deux têtes d’affiche du collectif les Soulèvements de la Terre, ont écopé respectivement de neuf et six mois de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction de se rendre dans les Deux-Sèvres.  Au total, neuf prévenus, neufs condamnés. Aucune relaxe.

Le monde agricole, souvent cible des activistes, y voit un motif de satisfaction.

Oui : la justice n’a pas nié, dans cette affaire, leur préjudice moral. A Niort, les agriculteurs ont été reconnus comme victimes. C’était l’essentiel pour eux, car c’est rare.  Je rappelle ce chiffre, représentatif du traitement global des atteintes qui leurs sont portées: entre 2011 et 2021, il y a eu en France 34 destructions de cultures par des Faucheurs volontaires. La plupart des affaires ont été classées. En 10 ans : une seule condamnation, jamais exécutée. Certains activistes en ont déduit qu’on pouvait y aller gaiement, en toute impunité.

Les activistes condamnés dans l’affaire Sainte-Soline ont annoncé qu’ils feraient appel. Les condamnations à du sursis semblent pourtant symboliques.

Elles ne le sont pas. Et si les condamnés font appel, c’est justement parce qu’ils craignent qu’elles fassent jurisprudence. De l’avis des professionnels du droit, elles marquent un tournant par rapport à l'indulgence avec laquelle la justice a, jusqu’ici, traité les dérapages de l’écoactivisme.

Ça pourrait changer la donne dans des situations enkystées, comme Sainte-Soline ?

Oui. D’abord, la justice ne considère pas que les Soulèvements de la Terre ou Bassines non merci sont les nébuleuses sans leaders qu’ils disent être. Il y a des responsables, ils ne peuvent plus se cacher derrière le collectif insaisissable. Ils sont individuellement comptables de leurs actes, de ceux de l’organisation. Ca incite à la retenue.
Et puis, la justice a fait voler en éclat l’argument principal des écoguerriers. Ils prétendent agir pour une cause supérieure, la planète, qui justifierait toutes leurs actions. La justice les traite en citoyens comme les autres, que rien n’exonère du respect de la loi et d’autrui.

Le vent tournerait-il ?

Peut-être la fin de l’ère ouverte avec NDDL, qui a laissé croire que l’activisme environnemental peut imposer son fait, sans jamais payer pour ses actes. Ces derniers mois, il y a eu des condamnations pour des intrusions dans des usines de semences, dans des élevages. Le phénomène a quasiment cessé. Il y a eu des condamnations pour des dégradations d’activistes climatiques à Dijon. La justice rappelle que la désobéissance civile ce n’est ni le saccage ni la violence. A la bonne heure. C’est une petite victoire de la loi, si démonétisée, sur les morales personnelles.