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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

Un peu partout en France, ces dernières semaines, les habitants de villes et de villages ont la surprise de retrouver à l’envers les panneaux à l’entrée de l’agglomération.

À Paimpol, au Quesnoy-sur-Deule, à Tulle, à Ammerschwihr, à Montpellier, à Saint-Bauzille de la Sylve... Dans un petit matin brumeux de l’automne, les habitants ont découvert, stupéfaits,  les panneaux blancs rouges et noirs tête en bas à l’entrée de leur commune. Un phénomène qui gagne du terrain, depuis les premiers retournements, il y a un mois, dans le Tarn. Des milliers de communes ont été concernées. Le mystère a d’abord beaucoup fait parler.

Le mystère s’est vite dissipé.

Il s’agit d’une protestation des Jeunes agriculteurs et de la FNSEA, les deux syndicats majoritaires en France dans le monde agricole, avec l’assentiment des premiers maires concernés. La petite action, pas méchante mais assez intrigante, a fait tache d’huile. Une clé de 17, quatre boulons à dévisser et revisser, on ne casse rien, explique un agriculteur. Cela attire plus la sympathie que le fumier versé devant la préfecture.

Mot d’ordre évident : on marche sur la tête. Le mouvement veut dénoncer les incohérences politiques auxquelles est soumise l’agriculture française. “Toujours plus de normes, d’interdictions, de restrictions à respecter, mais personne ne s’assure que nous avons vraiment les moyens d’y répondre, expliquent les retourneurs de panneaux

À quoi est-ce qu’ils font référence, ces “retourneurs de panneaux”?

Les exemples sont légion. Un exemple, l’obligation de laisser 4% des terres agricoles européennes en jachère, très mal comprise du monde agricole. C’est la PAC qui l’impose. Absurde, disent-ils quand 900 millions de personnes manquent de nourriture dans le monde. Ou qu’on pourrait y implanter des cultures utiles à notre souveraineté, pour remplacer le soja importé, par exemple.

Les sujets qui semblent avancer à l’envers ne manquent pas, selon eux.

Une foule. Un autre exemple : ces importations moins disantes qui remplacent nos productions devenues impossibles à force d’interdictions diverses. 60 à 70% de nos fruit et légumes viennent d’ailleurs, car nos filières ne peuvent plus les cultiver. Ce qu’un agriculteur résume par : “nos enfants ont le droit de manger dans les cantines ce que nous n’avons plus le droit de produire”

Les panneaux à l’envers donnent une résonnance particulière à l’actualité du jour.

Oui, car à Strasbourg, le Parlement européen va voter aujourd’hui sa version du règlement sur l’utilisation durable des pesticides. Le but :  réduire d’ici à 2030 les usages des phytosanitaires de moitié. Problème, on ne sait absolument pas comment faire . L’objectif est fantaisiste, le délai d’action ridicule, Il n’y a aucune évaluation des effets et pas le début d’un financement. Certaines estimations montrent que les productions pourraient chuter de 15, 20, 25% selon les filières. Rien n’a été évalué officiellement. L’Europe comptera sur le reste du monde pour boucher les trous.  Ca me donne envie de retourner ma chronique : on marche sur la tête.