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Charlie Hebdo : Avec "Le Lambeau" de Philippe Lançon, "nous partageons le désir de vivre" d'un survivant des attentats

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Chaque samedi et dimanche, François Clauss se penche sur une actualité de la semaine écoulée. Aujourd'hui, "Le Lambeau", roman de Philippe Lançon, survivant des attentats de "Charlie Hebdo". 

"Clauss toujours". L'humeur de François Clauss, tous les samedis et dimanches matins à 8h55 sur Europe 1.

Bonjour François.

Bonjour Wendy.

C'est un livre, un grand livre de ceux qui restent, ça s'appelle "Le lambeau". En librairie depuis un mois, publié chez Gallimard, dans la prestigieuse "blanche", et c'est signé Philippe Lançon. Philippe Lançon, reporter puis chroniqueur littéraire à Libération, chroniqueur de L'Air du Temps à Charlie Hebdo.

Le 7 janvier 2015, Philippe Lançon participait aux côtés de Cabu, de Wolinsky et des autres à la première conférence de rédaction de l'année de Charlie Hebdo, lorsque les "frères K", comme il les désigne dans le livre, ont surgi kalachnikov à la main, abattant froidement sous ses yeux, les uns après les autres, ses collègues, ses amis. La balle des "frères K" qui atteindra Philippe Lançon pulvérisera sa mâchoire, mais il survivra. Trois ans et demi plus tard, après dix mois d'hospitalisation, après 17 opérations sous anesthésie générale, celui "qui n'était pas tout à fait mort et qui devra cohabiter avec les survivants" raconte et c'est un très grand roman.

J'ai bien dit "roman". Non, ce n'est pas le témoignage d'un journaliste qui était là où il fallait être. La scène de la tuerie n'occupe qu'une vingtaine de pages parmi les 500 du livre. C'est le roman d'une gueule cassée, d'un homme brisé qui se reconstruit. Cette scène du massacre vécu dans une forme de brouillard halluciné résume tout le style Lançon. Ce détachement, un rien ironique (peut-être le journaliste) et cette élégance de plume (l'écrivain) qui nous happe, nous bouleverse et nous interroge.

Nous partageons pendant quelque 500 pages le destin d'un homme qui achète un Yop à Monoprix le 7 janvier 2015 au matin et qui soudain se retrouve ailleurs.

Nous partageons ses souffrances, son désir de vivre aussi brisé que sa mâchoire. Nous vivons le quotidien de ceux qui l'entourent : son frère, ses parents, son amour, son ex-amour. De ceux qui le protègent : les policiers qui se relaient 24 heures sur 24 devant sa chambre et de ceux qui le soignent. Extraordinaire témoignage sur l'héroïsme quotidien des aides-soignants, des anesthésistes, des chirurgiens. Lançon nous campe, avec le même talent et sur un pied d'égalité, le Président Hollande qui lui rend visite dans sa chambre et Lulu, l'aide-soignant, qui pousse son fauteuil roulant jusqu'au bloc.

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