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Anne Ancelin-Schützenberger, fondatrice de la psycho-généalogie, vient de disparaître. Pour lui rendre hommage, Anne Cazaubon explique ce concept.

 

Anne, aujourd’hui, vous tenez rendre hommage à quelqu’un d’important qui vient de nous quitter...

On dit souvent qu’il n’y a pas d'"actu" dans le développement personnel. Il n’y a pas d’information chaude. Pas encore de bandeau déroulant au bas de votre écran, sur lequel serait écrit : "Il n’est jamais trop tard pour être qui vous voulez." Non, malheureusement, le "priorité au direct" n’a pas encore été remplacé par "priorité au bien-être". Quoique, c’est peut-être en route, à bien y regarder ! Oui, dans le développement personnel, la seule actu, c’est la vôtre, et tous ces petits pas de plus que vous faites, chacun, vers votre propre vérité, vers votre essence profonde. Mais quand même, dans ce domaine, il y a des gens dont le travail fait avancer la réflexion et surtout ouvrent un peu plus nos consciences qui en ont visiblement bien besoin.

Aujourd’hui, je tenais donc à vous parler d’Anne Ancelin-Schützenberger, qui vient de disparaître à quelques jours de fêter ses 99 ans. Si comme de nombreux Français, vous vous êtes penchés sur votre arbre généalogique et sur votre lignée, vous avez certainement croisé son nom et ses travaux, notamment son livre, best-seller et ouvrage de référence : Aie, mes aïeux ! Cette psychologue, psychothérapeute et chercheuse mondialement connue, a tout simplement fondé la psycho-généalogie et a démontré l’influence que pouvaient avoir les secrets de familles sur nos vies.

Alors justement, comment est née la psycho-généalogie ?

Comme beaucoup de thèmes abordés dans le développement personnel, on peut trouver les prémices d’une idée, d’une nouvelle pensée, parfois dans une redite, une réédition, une adaptation d’un concept de philosophie, de psychologie ou même d’une tradition ancestrale. Certains avant Anne Ancelin-Schützenberger avaient semé de petits cailloux sur le chemin de l’exploration de l’arbre familial. A commencer par Sigmund Freud, qui dès 1913, dans Totem et Tabou s’interrogeait sur l’existence d’une âme collective et sur la possibilité qu’un sentiment puisse se transmettre de génération en génération, sans que plus personne ne puisse le relier à une faute commise. Carl Gustav Jung aussi s’est penché sur la question et a développé l’idée d'une "transmission héréditaire" de ce qu’il appelait un "patrimoine représentatif". Et là, on ne parle pas de la maison de mamie en indivision en Normandie, ni de la recette des gaufres si particulière parce qu’elle y mettait un zeste de cannelle, qu’elle tenait elle-même de sa propre grand-mère. Ça, c’est de la transmission intergénérationnelle.

Là, on parle de "transgénérationnel". De cette "patate chaude", métaphore qu’utilise Anne Ancelin-Schutzenberger pour illustrer ce traumatisme parfois trop lourd, que certaines générations délèguent à la suivante, comme on se passe une patate trop chaude de main en main, avec laquelle chacun se brûle. On a tous quelques cadavres dans le placard, dans toutes les lignées, il y a au moins un événement traumatisant. Parfois tellement inconcevable, inacceptable, que les parents, ou grands-parents n’ont jamais réussi à en faire le deuil, ni à verbaliser. Et c’est dans ces non-dits que les mots, nous dit la psycho-généalogie, deviennent des maux !

Comment se libérer de ces traumatismes inconscients ?

En mettant toujours plus de conscience dans son histoire familiale, en posant des questions, en interrogeant… Pas pour juger, tout simplement pour savoir. Sans culpabiliser. J’aime bien cette phrase de Françoise Dolto, proche d’Anne Ancelin-Schützenberger, qui disait aux parents : "Ce n’est pas de votre faute, c’est de votre fait." Et toute la différence est là pour ouvrir au dialogue. Parce que si la généalogie, c’est noter les dates de naissance/mort/mariage de ses ancêtres, savoir d’où je viens, la psychogénéalogie, elle, tisse les liens, parfois invisibles, entre des dates qui se répètent, entre des loyautés inconscientes qui parfois, pour certains, peuvent interdire de bouger et empêcher de vivre sa propre vie et en invitant à libérer la parole pour faire sortir tous les fantômes du placard. Anne Ancelin-Schutzenberger a largement contribué à la compréhension de nos systèmes familiaux, mais aussi à alléger les quelques chapes de plomb invisibles sur les épaules des générations futures.