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Ce lundi soir, le conseil d’administration d’Engie n’a pas eu peur de s’opposer frontalement à la volonté de l’État, malgré des pressions très fortes de dernière minute sur les administrateurs. Le conseil d’administration d’Engie a décidé de vendre ses parts de Suez à Veolia contre l’avis de l’État qui est pourtant actionnaire de référence d’Engie avec 23,4% du capital. Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.

C’est un énorme coup de théâtre ! Le conseil d’administration d’Engie a décidé de vendre ses parts de Suez à Veolia contre l’avis de l’État qui est pourtant actionnaire d’Engie.

C’est une humiliation terrible pour l’État, un camouflet historique. C’est du jamais vu ! L’État, actionnaire de référence d’Engie avec 23,4% du capital, tombe de son piédestal. Ce jour fera date dans l’histoire du capitalisme français. L’État a toujours considéré qu’il était normal qu’il puisse forcer la main du secteur privé. On le voit quand il convoque en grand cérémonial les PDG des banques (pourtant privées) pour qu’elles modifient leur politique de crédit. Ou les PDG de la grande distribution sur les sujets de pouvoir d’achat, ou bien encore le patron de Total quand les prix de l’essence grimpent. On connaît cette chorégraphie. Mais ce lundi soir, à la stupéfaction totale de Bercy, le conseil d’administration d’Engie a dit non à l’État. Un affront inouï. Le conseil n’a pas eu peur de s’opposer frontalement à la volonté de l’État, malgré des pressions très fortes de dernière minute sur les administrateurs.

C’est à dire ?

L’État a essayé de convaincre plusieurs administrateurs d’Engie de refuser la vente de Suez à Veolia. Il a même fait repousser d’une heure, de 18 heures à 19 heures, le conseil d’administration pour se donner plus de temps. Il a essayé de convaincre les deux administrateurs CFDT de voter contre. L’affaire est remontée très haut. En vain. Selon nos informations, ces deux administrateurs n’ont pas pris part au vote. Ce qui fait qu’à l’arrivée, sur les 11 administrateurs d’Engie restés dans la salle pour voter, sept ont approuvé la vente de Suez à Veolia. Défaite à plates coutures, donc, pour l’État. Il faut dire que l’offre de Veolia était difficile à refuser pour les administrateurs d’Engie. Engie voulait vendre, Veolia offrait un bon prix et il n’y avait pas d’autre acheteur. Comment dire non dans ces conditions ? L’État a cru qu’avec 23,6% du capital, il pouvait faire la loi face à la majorité des actionnaires. Les temps changent…

C’est la première fois que l’État se retrouve dans cette situation ?

Jamais il n’avait été mis en minorité de cette manière. On touche là les ambiguïtés de l’État-actionnaire. Le conseil d’administration, qui défend les intérêts des actionnaires, a estimé qu’il était dans l’intérêt d’Engie de céder ses parts dans Suez et de réaliser ainsi une importante plus-value de 1,8 milliard d’euros, ce qui lui permettra d’investir dans les énergies renouvelables. L’État avait d’autres considérations en tête. Comme quoi État et actionnaire, les deux ne vont pas toujours bien ensemble…