Chaque matin, Nicolas Barré fait le point sur une question d'actualité économique.
Bonjour Nicolas Barré, vous voulez revenir ce matin sur les déclarations de Bruno Le Maire dans le grand Rendez-Vous Europe 1/Cnews/les Echos hier : le gouvernement pourrait bien maintenir la taxe d’habitation pour les 20% de ménages les plus aisés.
Et c’est une drôle de cuisine fiscale qu’on est en train de nous préparer. Qu’est-ce qu’on entend beaucoup depuis le début du mouvement des "gilets jaunes" ? Qu’il faut rétablir l’ISF. C’est un des cris de ralliement. D’ailleurs, les sondages montrent que les Français sont très majoritairement pour, ce qui n’a rien de surprenant puisque l’immense majorité d’entre eux ne le paient pas. Seulement revenir sur la réforme de l’ISF, ce serait "détricoter" ce qui a été fait au début du quinquennat. Donc pas question, dit le gouvernement. D’où l’idée de trouver un autre geste fiscal. Et c’est donc sur la tête des 20% de ménages les plus aisés, une population beaucoup plus large que ceux qui payaient l’ISF, que cela risque de retomber.
Ce qui fait effectivement beaucoup de monde.
Cela représente un peu plus de 4 millions de foyers. Alors qu’il y avait 350.000 assujettis à l’ISF. Autrement dit, et c’est là que la cuisine est un peu dure à avaler pour les ménages concernés : pour sauver la réforme de l’ISF, on renoncerait à une baisse d’impôt qui devait concerner plusieurs millions de personnes.
Mais la suppression totale, pour tout le monde, de la taxe d’habitation, ce n’était pas dans le programme d’Emmanuel Macron.
Vous avez raison : dans son programme, il l’avait prévue pour 80% des ménages. Mais au printemps dernier, il a lui-même décidé de l’étendre à tout le monde tout en réformant la manière dont sont financées les collectivités locales. C’était ça la cohérence. Autrement dit, aujourd’hui, la majorité présidentielle est en train de revenir sur une décision qu’Emmanuel Macron jugeait pertinente au printemps. Bien sûr, on a le droit de changer d’avis mais là, on avait une promesse de baisse d’impôt faite par le président il y a moins d’un an et à laquelle il pourrait renoncer sous la pression des "gilets jaunes" : ce serait un sacré recul et une décision très contestable.
Pourquoi ?
D’abord parce que la suppression totale de la taxe d’habitation devait être financée par des économies budgétaires. C’était donc vertueux. Renoncer à la supprimer, c’est renoncer à faire des économies. Certes, ça retire une épine du pied aux équipes de Bercy : plus besoin de se creuser la tête pour trouver les 7 milliards d’euros d’économies correspondant à ce que payaient les 20% de ménages les plus aisés. On continuera à prendre cette somme dans leur poche.
D’autre part, la taxe d’habitation est un impôt mité, avec des bases de calcul qui, souvent, ne correspondent plus du tout à la réalité. C’est l’autre excellente raison pour laquelle le gouvernement voulait la supprimer. Si on résume : le gouvernement va renoncer à faire des économies et maintenir un impôt injuste. Les classes moyennes supérieures peuvent remercier les gilets jaunes.