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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

 

Vous n’avez pas aimé cette semaine le clash qui s’est produit dans les négociations sur la réforme de la fonction publique.

C’est ça, un clash, une rupture des négociations avec Bercy de la part de presque tous les syndicats de fonctionnaires qui ont claqué la porte de la réunion dans laquelle, après un an de discussions, le secrétaire d’Etat chargé de cette réforme leur présentait le projet de loi modifiant le statut de la fonction publique : "mascarade, catalogue du pire, colère", la panoplie usuelle des fausses émotions a été sortie pour justifier cette rupture. Bon, vous me direz, c’est assez classique dans une négociation : on montre ses muscles, on s’étouffe d’indignation, on fait du théâtre.

Et puis à la fin on revient à la table des négociations. Et c’est ce qui va se passer, selon vous ?

Vraisemblablement, oui. En tout cas je l’espère. Car cette négociation entre les syndicats de fonctionnaires et le secrétaire d’Etat Olivier Dussopt (c’est lui qui est chargé de ce dossier) est fondamentale. On le sait tous, la réforme de l’Etat est un des enjeux de la modernisation de la France. La fonction publique vit selon des règles qui ont été posées il y a 60 ans, en 1959, puis réformées dans les années 80. Alors bien sûr, il y a quelques rafraîchissements chaque année, mais l’essentiel du cadre de travail des fonctions publiques est régi par des dispositions qui datent de 35 ou 40 ans. Est-ce que c’est conforme à l’évolution des modes de vie, au changement du rapport au travail, à la disparition de l’emploi à vie ? Evidemment non. Donc, cette réforme est cruciale.

Mais ça coince.

Comme il fallait s’y attendre. Le projet du gouvernement bouscule en effet pas mal d’avantages liés au statut. Une des mesures les plus spectaculaires concerne la possibilité pour l’administration de recourir à des plans de départ volontaire (évidemment inimaginables aujourd’hui). L’idée est aussi de faciliter le recours aux contractuels (c’est-à-dire à des agents qui n’intègrent pas le statut protecteur de la fonction publique). Alors, ça se fait déjà, mais mal : l’Etat est un mauvais employeur, il recrute mal, paye mal, gère mal ce genre de carrières. L’idée est d’assouplir tout ça, de le professionnaliser, et même de permettre à des gens du privé de prendre des postes de directeurs d’administration centrale, là où règnent normalement en maîtres les énarques, les polytechniciens et les corps, les grands corps (comme on dit).

Et il y a d’autres points de crispation ?

Oui, plusieurs. Le temps de travail annuel obligatoire est rappelé (1607 heures par an, ce qui obligera à revoir tous les nombreux accords dérogatoires, surtout dans les collectivités locales). Des instances de représentation vont être fusionnées (rendez-vous compte : il y en a 22.000). Ce sont tous ces verrous qui vont être assouplis. Oh, ce ne sera pas une révolution brutale, les choses sont prévues pour se faire en douceur. Pensez : mettre la fonction publique dans la rue, ce n’est pas très tendance. Mais si le gouvernement tient le cap, alors on a une petite chance que cette réforme de l’Etat, que la réduction du nombre des fonctionnaires et que la baisse de la dépense publique soient facilitées.

Et sinon ?

Sinon, sur cet aspect essentiel de son mandat, Emmanuel Macron aura échoué.