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Chaque samedi et dimanche, Nicolas Beytout, directeur du journal "L'Opinion", donne son avis sur l'actualité de la semaine.

Bonjour Nicolas, vous n’avez pas aimé cette semaine le silence qui a suivi la publication d’un chiffre économique.

Oui, un silence médiatique (pas de gros titres à la Une, des articles, bien sûr, mais plutôt discrets). Et un silence politique, aussi : aucun commentaire argumenté ni de la part du gouvernement, ni de la part de l’opposition. Et pourtant, il s’agit d’un chiffre, d’une donnée statistique absolument fondamentale, et qui porte sur l’ensemble de l’année 2018. Autrement dit, un chiffre qui a du poids, qui n’est pas juste une tendance mensuelle.

Et de quel chiffre s’agit-il ?

Ce n’est ni le montant du déficit public, vous savez cette fameuse limite des 3% par rapport au PIB français. Ce n’est pas non plus le montant de la dette publique française, cette barre symbolique des 100% de dette par rapport à la totalité de la création de richesse française. Ces deux chiffres sont toujours surveillés comme le lait sur le feu. Les 3% parce que la France s’est engagée à limiter ses déficits, et qu’elle va être en 2019 la seule nation de toute la zone euro à déraper et à repasser au-dessus des 3%. Et puis on surveille la dette, parce qu’on sait que, les déficits s’accumulant année après année, on va très bientôt franchir ce cap symbolique des 100% d’endettement public.

Ces deux chiffres, ces deux notions, on les connaît bien. Ils sont très présents dans le débat politique. Ils ont d’ailleurs un sens politique : selon que vous les défendez ou pas, vous êtes considéré comme bon gestionnaire ou laxiste. Et surtout, vous êtes classé comme respectueux de la règle européenne ou au contraire comme soumis à la dictature de Bruxelles.

Donc, vous voulez nous parler d’un autre chiffre. Celui du chômage, ou celui de la croissance ?

C’est vrai que l’Insee a annoncé en fin de semaine que les créations d’emplois avaient ralenti en 2018, et c’est vrai que ça n’a pas fait tellement réagir. Je crois que l’opinion publique a intégré le fait que le chômage recule désormais, que c’est un mouvement lent, trop lent. Donc cette statistique n’est plus au centre du débat : d’ailleurs le gouvernement lui-même a renoncé à communiquer sur les statistiques mensuelles des demandeurs d’emploi.

En temps de hausse du chômage, on aurait pu suspecter que c’était pour taire les mauvaises nouvelles. Mais là, c’est qu’on a changé de cycle. Ça baisse désormais, mais lentement. Pas de quoi faire des gros titres. Alors, vous évoquiez aussi la croissance. C’est vrai qu’on n’a pas eu de très bonnes nouvelles. Le gouvernement a reconnu que la croissance avait été plus faible que prévu l’an dernier, et l’Europe vient de publier des statistiques annonçant un sacré coup de frein en 2019. Mais là encore, c’est dans les esprits.

Et donc ça ne fait pas les gros titres. Alors, est-ce que vous allez finir par nous dire quel cet autre chiffre qui aurait, selon vous, mérité de faire la Une des médias ?

Le chiffre du commerce extérieur. Ou plus précisément celui du déficit commercial de la France. 60 Milliards d’euros, en hausse d’une année sur l’autre. Ce chiffre est terrible, parce qu’il dit tout du déséquilibre de notre économie, de notre obligation d’importer et de notre trop grande faiblesse à exporter. Ce déficit commercial, c’est un indicateur de notre désindustrialisation, il est la conséquence de la fermeture de quantité d’usines dans les territoires. Ce chiffre, c’est le thermomètre de notre manque de compétitivité. Songez que si nous affichons 60 milliards de déficit en 1 an, l’Allemagne, elle, engrange 20 milliards d’excédents en 1 mois. Ce chiffre aurait dû occuper le débat politique pendant plusieurs jours.

Déficit commercial : "Ce chiffre est terrible, parce qu’il dit tout du déséquilibre de notre économie"