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Alors que les discussions sont animées à Matignon entre représentants syndicaux et patronat concernant la réforme des retraites, la position de Laurent Berger surprend. Le patron de la CFDT affirme qu'il n'y a pas d'urgence à réformer.

Les entretiens de Matignon sur la réforme des retraites vont se poursuivre ce vendredi avec, entre autres, la CGT et la CPME côté patronat. Mais dès ce jeudi, le ton a été donné.

Du côté des syndicats, il est très négatif. Force Ouvrière fera "tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher que le système par points se mette en place" (le système par points, c’est la base du projet Delevoye). La CFDT, elle, veut carrément repartir d’une feuille blanche. Autrement dit, tout ce qui a été construit en deux ans de travail et de discussions par Jean-Paul Delevoye serait à mettre à la poubelle. Pour ceux qui attendaient avec impatience que s’ouvre une phase de consultation-concertation, pour ceux qui pensaient que les partenaires sociaux revenant dans le jeu, ça ferait avancer le dossier, le réveil est brutal. En l’état de la réforme, c’est non !

Mais ils ne font pas des propositions alternatives ?

Ça dépend de ce que l’on appelle "proposition". Regardons la liste de courses de Laurent Berger, le leader de la CFDT. Pourquoi lui ? Parce que c’est celui qui est réputé le plus constructif et le plus favorable à une réforme des retraites, en particulier au système à points. Il voulait tellement revenir dans le jeu, être reçu par Emmanuel Macron et par Édouard Philippe, que puisque c’est maintenant le cas, on pouvait imaginer qu’il irait au moins dans le sens de la réforme.

Que dit-il ?

Qu’il n’y a pas d’urgence à réformer, qu’il n’y a pas de problème budgétaire. Il dit qu’il ne veut pas "d’une réforme d’équilibre financier mais de progrès social". C’est formidable !
D’abord, cette idée d’opposer de façon manichéenne les finances et le social, comme s’il ne pouvait pas y avoir de progrès sans déficit. Et puis, la retraite en France, c’est entre cinq et 15 milliards d’euros de déficit par an (ça dépend des années et des modes de calcul). Nous traînons une dette de 46 milliards. C’est difficile à oublier, tout de même…
Quant à la question de l’âge de départ à la retraite, le patron de la CFDT est là aussi résolument hostile à la notion d’âge pivot et aux 64 ans.

Il est pour que la retraite soit calculée en fonction du nombre de trimestres de cotisation ?

C’est ça. C’est un système favorable à ceux qui ont peu de qualifications, qui entrent tôt sur le marché du travail. Grâce à quoi, ils peuvent accumuler des trimestres et partir pas trop tard en retraite. Mais on y entre de plus en plus tard, sur le marché du travail. En particulier ceux qui font des études, parfois longues. On pense aux cadres, bien sûr. Ce seront ou ce seraient les premières victimes d’un abandon par le gouvernement de la notion d’âge pivot à 64 ans.

Et le patronat ? Quelle est sa position ?

Il est inquiet de voir que la réforme à peine proposée risque d’être détricotée. Il est inquiet de voir que la phase de concertation, si elle était évidemment indispensable sur le plan politique, risque de vider la réforme de son ambition et de creuser les déficits.
C’est un des défis qui se pose à Emmanuel Macron : envoyer des signaux à son centre-gauche et aux syndicats, sans les faire payer aux entreprises. Comme c’est toujours le cas en France.