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Nicolas Beytout revient sur le parcours de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), qui va laisser prochainement sa place à Christine Lagarde. 

Aujourd’hui, vous voulez nous parler de Super Mario. C’est assez inattendu de votre part. Est-ce que l'on pense au même personnage ?

Non, je ne crois pas, même s’il m’est arrivé de m’esquinter les pouces à jouer à Mario Bros, il y a quelques années. Le Super Mario dont je vais vous parler s’appelle Mario Draghi, et il est président de la BCE, la Banque centrale européenne.

En effet, ça n’a rien à voir.

Non, et s’il est dans l’actualité, c’est parce qu’il va présider aujourd’hui son dernier Conseil de politique monétaire, c’est-à-dire l’instance suprême de pilotage de la monnaie européenne. Il laissera ensuite la place à Christine Lagarde. Super Mario aura dirigé la BCE pendant hui ans, huit années redoutables. Dès le début de son mandat, il avait dû affronter une énorme vague de spéculation contre l’euro. La Grèce, l’Italie, l’Espagne étaient alors au bord du gouffre, les attaques contre l’euro venaient de partout dans le monde. Et à lui seul, il a réussi à mettre en déroute les assaillants, grâce à trois mots, trois petits mots qui lui ont valu ce qualificatif de Super Mario.

Et ces trois mots magiques, c’est ?

"Whatever it takes", quoi qu’il en coûte : "Je sauverai l’euro quoi qu’il en coûte", a-t-il lâché. C’était complètement iconoclaste, et tout le monde a compris que s’il devait faire tourner la planche à billets pour avoir des munitions en quantité illimitée contre la spéculation, alors il le ferait. Les attaques ont cessé, et Super Mario est devenu le sauveur de l’euro. Chapeau. Le seul problème, c’est que si la crise monétaire a cessé, la croissance économique de l’Europe n’est jamais vraiment repartie. Et là encore, il a fait dans l’iconoclaste pour relancer l’économie.
Encore des mots magiques ?

Non, cette fois il a utilisé un instrument improbable : les taux d’intérêt négatifs. C’est simple : pour relancer l’économie, il fallait que les ménages, vous et moi, on consomme, il fallait que les entreprises dépensent et investissent, et que tous on emprunte pour cela. Mario Draghi a rendu l’emprunt gratuit ou presque. Et au contraire, il a pénalisé les épargnants : ceux qui ont de l'argent et qui ne le dépensent pas. Pour dire les choses simplement, il a complètement renversé la logique économique.

Bon, mais j’imagine que ça ne s’est pas fait si tranquillement que ça ?

En effet. Ça a provoqué des débats et des crispations, surtout dans les pays où les épargnants sont nombreux et attentifs au sort de leur épargne, en Allemagne, en particulier. Bon, ce débat est maintenant entre les mains de Christine Lagarde. Ça tombe bien, elle est très politique. En tout cas avec une compatriote à la tête de la BCE, les Français vont peut-être s’intéresser davantage à cette institution et comprendre qu’à ce poste devenu ultra-puissant, c’est un peu de notre vie quotidienne qui se joue aussi.