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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse au choix d'Emmanuel Macron de commémorer le 200e anniversaire de la mort de Napoléon, devant son tombeau puis à l’Institut de France.

200 ans après sa mort, Napoléon Bonaparte continue d’agiter les consciences.
Jacques Chirac et Lionel Jospin avaient renoncé, il y a 15 ans, à célébrer le bicentenaire de la grande victoire d’Austerlitz, comme s’ils avaient eu honte de ce grand moment d’histoire et de ce témoignage du génie militaire de l’Empereur. Emmanuel Macron n’aura pas cette gêne, il célèbrera aujourd’hui, devant son tombeau puis à l’Institut de France, le 200e anniversaire de la mort de Napoléon. Ou plutôt, il commémorera l’événement.

Pourquoi faire cette distinction ?

Parce qu’elle traduit toute la nuance que l’Élysée veut mettre dans cette journée. On pourrait dire aussi toute la gêne que provoque la relecture, avec notre œil d’aujourd’hui, de l’actualité napoléonienne d’il y a 200 ans. C’est un fait, Napoléon n’a jamais laissé personne indifférent. On l’admire pour son sens de l’État, ses capacités d’organisateur, de législateur, de visionnaire de l’administration, d’ami des sciences et des arts également. Mais on le déteste (ou on regrette) ce qui a pu devenir sa folie guerrière et son exercice autoritaire du pouvoir tendance dynastique. Ce négatif a toujours existé. Mais il est aujourd’hui peu de choses par rapport au grand procès contemporain qui lui est fait. En 1802, Napoléon Bonaparte a rétabli l’esclavage dans les Antilles. L’esclavage, devenu depuis, dans notre loi, un crime contre l’humanité.

D’où les hésitations et la gêne. Pourtant, l’Élysée a tranché en faveur d’une commémoration.

C’est à la fois un choix parfaitement personnel et une décision totalement politique. D’abord, le Président de la République aime la figure du chef et sa traduction dans l’exercice du pouvoir. Il dit même qu’il y a "dans la politique française un grand absent : c’est la figure du roi". Alors, un empereur…  Et puis, tous ces anniversaires, toutes ces entrées au Panthéon auxquels il a présidé depuis quatre ans, c’est aussi une façon de s’inscrire dans l’histoire. Ça, c’est l’aspect personnel du sujet.

Et le côté politique ?

Emmanuel Macron a jugé qu’il avait intérêt à dépasser cette réécriture de l’histoire, ce diktat intellectuel porté par une frange décolonialiste venue de la gauche. Il sait que le personnage de Napoléon est une figure aimée, ou en tout cas respectée par une grande majorité de Français. Et parmi eux, par ceux qui se situent à droite : le personnage est immense, il parle à ceux qui assument une vision fière de notre histoire, il est représentatif d’une certaine idée de la France. Au moment où le pays doit s’extirper de cette gangue de pessimisme dans laquelle nous a enfermés la pandémie, revendiquer une histoire héroïque est certainement payant auprès de cette partie de l’électorat.

Tant pis pour la blessure liée à l’esclavage ?

Pas complètement, non. Avec Emmanuel Macron, le "en-même-temps" n’est jamais très loin. Aujourd’hui, messages en direction de la droite. Et lundi prochain, recueil devant une stèle pour participer à la journée nationale des mémoires de l’esclavage. En même temps...