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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce lundi, il s'intéresse la semaine test que s'apprête à vivre la majorité concernant la loi sur les séparatismes.

Le projet de loi de lutte contre les séparatismes arrive mercredi en Conseil des ministres, avant d’être examiné par l’Assemblée. Et ça risque d’être chaud !

Après les dissensions nées de la loi dite de Sécurité globale, voilà un nouveau texte législatif à haut potentiel inflammable. C’est d’ailleurs le même Gérald Darmanin, un peu pompier et un peu pyromane, qui défendra une nouvelle fois ce projet sur lequel la majorité présidentielle risque bien de se diviser, suivant la même ligne de fracture que pour la loi de Sécurité globale.

La loi de Sécurité globale pour laquelle il y avait une opposition libertés publiques contre ordre public.

Oui, on aura cette fois les défenseurs d’une laïcité ultra-rigoureuse contre les partisans d’une lecture plus libérale, plus tolérante. Les premiers (les laïcards) sont plutôt des députés de gauche, les autres viennent de la droite. La gauche du parti s’organise d’ailleurs de plus en plus. Des clubs ou des courants se créent (ils s’appellent par exemple Territoire de Progrès, ou En Commun), des appels sont lancés. Car ils veulent peser sur la ligne du chef de l’État.

Et la droite du parti, elle s’organise pour peser elle aussi ?

La question a été posée par un député de droite à un très proche d’Emmanuel Macron : "pas besoin, lui a-t-il été répondu, on a déjà le club de droite le plus puissant, c’est le gouvernement !". En tout cas, la majorité a beaucoup travaillé pour rapprocher les différentes lignes qui traversent les troupes d’Emmanuel Macron. Plusieurs milliers de militants ont été interrogés, il y a eu un débat, des auditions d’experts, d’universitaires, Gérald Darmanin a également mené deux journées de consultations et il rencontrera ce soir le Bureau exécutif de La République en Marche. Bref tout ce que recommandait la prudence a été fait pour éviter de rejouer le fiasco de la loi de Sécurité globale.

Et c’est sous contrôle ?

Plusieurs mesures sont déjà connues et plutôt bien acceptées comme la réforme du financement des mosquées par des pays étrangers, ou encore la réforme du régime des cultes pour inciter les mosquées à abandonner le statut très élastique de la loi de 1901 sur les associations pour se mettre dans le moule de la Loi de 1905 qui régit les rapports entre l’Église et l’État. Mais malgré ça, tout peut arriver. On est vraiment sur un sujet très inflammable. Et les marges de manœuvre du chef de l’État sont quasi-nulles.

On l’a bien vu avec la loi sur la Sécurité et le départ de feu provoqué par le fameux article 24.

Exactement. On en est arrivé à une situation absurde et quasi ingérable. Si Emmanuel Macron reconnaît par exemple (dans son interview à Brut) qu’il existe un contrôle au faciès, les policiers menacent de faire une grève des contrôles. Et le lendemain, des centaines de casseurs rappellent avec violence que la police n’est jamais assez défendue. Avantage, Gérald Darmanin. Voilà, après une séquence très dure pour lui, le ministre de l’Intérieur reprend le lead sur un nouveau projet de loi. Il a reconquis son territoire de progrès, comme on dirait à la gauche du parti.