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C'est en Conseil des ministres que sera nommé, mercredi, le nouveau président de la Cour des Comptes. Un poste vacant depuis plusieurs mois et que devrait occuper Pierre Moscovici. L'ancien ministre de l'Economie lorgnait sur ce poste depuis longtemps.

Pierre Moscovici sera nommé mercredi en Conseil des Ministres à la tête de la Cour des Comptes. 

Cela faisait des mois que cette juridiction, qui contrôle les finances publiques, n’avait plus de patron. Et cela faisait plus longtemps encore que Pierre Moscovici lorgnait le poste. Cette fois, ça y est presque, et sur le plan professionnel, c’est assez justifié. Il est lui-même issu de ce corps de magistrats, qu’il avait rejoint à sa sortie de l’ENA, et il y est d’ailleurs revenu, dans le rang, ces six derniers mois. De ce point de vue, il "coche" toutes les cases, comme on dit.

Mais je suppose qu’être un pro des finances publiques ne suffit pas pour gérer cette institution.

Effectivement. Il faut de l’autorité. Celle qui permet de dire son fait au politique. Celle qui permet de rappeler à l’ordre le gouvernement, ou n’importe quelle collectivité territoriale ou locale lorsque les finances dérapent. Celle qui fait que ce poste, un des plus élevés de la hiérarchie administrative, c’est beaucoup plus qu’un poste de haut fonctionnaire. C’est (ça doit être) un poste de censeur des politiques publiques de l’Etat. Le patron de la Cour des Comptes doit donc avoir, chevillée au corps, l’obsession des grands principes de comptabilité publique. 

Et justement, ces cases-là sont "cochées" par Pierre Moscovici ?

Cela dépend de quel Moscovici vous parlez, parce qu’il a bourlingué, tout au long de ses années de militantisme politique. Je passe sur sa jeunesse trotskyste, vite effacée, puis sur son rôle de plus en plus éminent au sein du Parti socialiste, époque François Mitterrand puis Lionel Jospin. Le plus intéressant, pour éclairer sa toute prochaine nomination, c’est comment il a géré son portefeuille de ministre des Finances de François Hollande, puis son mandat de Commissaire européen aux Affaires économiques et financières. Deux postes, quatre profils. 

C’est-à-dire ?

Patron de Bercy, en 2012, il a d’abord été l’homme de l’explosion des impôts, de la plus forte ponction fiscale jamais infligée à notre économie depuis des décennies. Mais il a aussi été celui qui, le premier, a fini par dénoncer le ras-le-bol fiscal des Français. Cela lui a été amèrement reproché par ses camarades de la gauche, mais, maladresse ou pas, c’est lui qui a obligé François Hollande à enclencher un rétropédalage sur les impôts. 

Ça fait donc deux profils ? Et à Bruxelles ?

Deux profils aussi : il était arrivé avec une réputation de ministre dépensier, grand argentier d’un pays peu scrupuleux avec ses déficits budgétaires. A Bruxelles, c’était comme si on avait confié les clefs du bar à un soiffard. Bon, heureusement, il s’est converti à son rôle de commissaire européen, chantre de la discipline budgétaire. Toujours avec indulgence, en jouant en permanence de son influence pour que la France ne soit pas punie comme le mauvais élève européen.

Si je reprends votre image du bar, il a montré de la modération ? 

Oui, c’est ça. La question maintenant, c’est de savoir si, dans cette période post-Covid, il aura à la Cour des Comptes un cinquième profil, moins indulgent pour la dérive des comptes publics, plus attentif au risque d’asphyxie fiscale, et vigilant sur l’endettement. En un mot, celui d’un Moscovici moins politique.