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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce mercredi, il s'intéresse à la grève des éboueurs qui a agité Paris et qui est la première alerte sur le front social après le déconfinement.

La Mairie de Paris a été occupée ce mardi par des éboueurs en grève. Est-ce que c’est un premier signe de réveil social lié au déconfinement ?

Oui et non. Oui parce que cette occupation de la cour et des toits de la mairie par des syndicalistes n’aurait pas été possible en temps de confinement, ça aurait paru indécent. Mais l’actualité sanitaire décroît, place aux autres informations, dont les infos sociales.

Non, parce que les revendications des éboueurs et des égoutiers en grève n’ont rien à voir avec la crise sanitaire. Ils protestent contre les 35 heures, ce qui peut paraître bizarre venant d’un syndicat. Sauf que passer aux 35 heures, à la Mairie de Paris, ça signifie une augmentation du temps de travail, une ATT et non pas des RTT. Et le plus cocasse, dans cette histoire, c’est que la Mairie de Paris est totalement alignée sur les revendications de ses employés municipaux. En fait, c’est une loi de 2019 qui oblige toutes les collectivités locales à passer avant la fin de l’année aux 35 heures, et donc si nécessaire à augmenter le temps de travail. Mesure de justice et d’équité sociales par rapport au privé. 

Et la Mairie n’en veut pas ?

Quand on a à sa tête quelqu’un qui ambitionne de se présenter à la présidentielle sous les couleurs socialistes, applaudir à la hausse du temps de travail, ça peut faire mauvais genre. Et de fait, les négociations avec les syndicats ont pour objectif de trouver ensemble des échappatoires, des arrangements avec le droit. Bref, des petits compromis pour ne pas se laisser piéger politiquement.

Et le gouvernement, il a quelle position ?

Intransigeante : malgré ses demandes, aucun délai ne sera consenti à Anne Hidalgo pour mettre en sa municipalité en règle.

En même temps, le gouvernement doit surveiller un autre front social déjà un peu bouillonnant : l’occupation des théâtres par des intermittents. Eux ne sont pas en grève, puisqu’ils ne travaillent pas. Non, ils veulent la prolongation de l’année blanche, ce système mis en place par le gouvernement pour payer intégralement les intermittents au même niveau que l’année précédente, et ils exigent en plus l’abandon de la réforme de l’assurance-chômage (qui ne les concerne pas).

Pourquoi se gêner ? La France a dépensé 11 milliards pour sauver la Culture dont un milliard en salaires, mais ça n’a pas suffi. Il leur en faut plus, quitte à empêcher les théâtres de rouvrir. La honte.

Alors bien sûr, une centaine de théâtres et quelques municipalités en grève, ce n’est pas la France sociale à feu et à sang. Mais ces deux fronts sont à surveiller de près : ils sont des secteurs ultra-syndiqués, et syndiqués façon ultras. Le risque serait bien évidemment que ces étincelles sociales ne finissent par allumer dans le pays une mèche plus dangereuse.