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Chaque matin, Nicolas Beytout analyse l'actualité politique et nous livre son opinion. Ce vendredi, il revient sur le discours d'Emmanuel Macron en visite au Rwanda.

"En me tenant, avec humilité et respect, à vos côtés, je viens reconnaître nos responsabilités". Pour Nicolas Beytout, cette phrase prononcée ce jeudi au Rwanda par Emmanuel Macron, est historique.

Au sens où elle marque un tournant de l’histoire. Cela fait de nombreuses années que la pression montait sur la France pour qu’elle reconnaisse sa part de responsabilité dans cette effroyable tragédie qui fit plus de 800.000 morts, hommes, femmes, enfants. Et cette reconnaissance n’allait absolument pas de soi, elle mettait en cause trop de gens, trop de personnalités, trop d’institutions. Pour y parvenir, ce fut donc un long cheminement.

Il y a eu des nombreux rapports et enquêtes, jusqu’à il y a quelques semaines, la publication du rapport Duclert sur la responsabilité de la France dans ce génocide.

En fait, le plus difficile dans cette histoire, aura été de dire les choses, de dire les faits et si possible la vérité. Depuis 27 ans que cette affaire colle aux basques de l’armée française et entache la réputation de quelques personnages politiques, dont François Mitterrand, un mur de silence s’était érigé contre lequel venait buter les accusations de complicité de la France et de son armée dans le génocide. Il n’y avait jusque-là que des dénégations.

Et c’est cela qu’Emmanuel Macron a tranché.

En disant que la France était effectivement restée "aux côtés d’un régime génocidaire". C’est ça, la responsabilité de la France : n’avoir pas vu, avoir laissé faire "dans un engrenage qui a abouti au pire". Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères de l’époque, l’avait dit il y a quelques semaines, à sa manière : "ce fut un acte de lâcheté internationale". Dans cette tragédie, la responsabilité de la France, c’est celle de l’inaction, pas de l’action.

Le chef de l’État n’a donc pas présenté les excuses du pays.

Non, il a en revanche espéré le pardon des victimes. En réalité, ce qu’a fait le Président de la République était très difficile. Il devait trouver les bons mots pour admettre une responsabilité sans être accusé de complicité et encore moins de culpabilité dans le génocide. Emmanuel Macron a une formule pour décrire cette voie de passage si étroite : ni déni, ni repentance, mais une reconnaissance. On ne ferme pas les yeux, mais on ne s’excuse pas ; on n’efface pas le passé, mais on le reconnaît, on le regarde en face. Ce travail de mémoire est la marque des grandes démocraties. Les dictatures, elles, réécrivent souvent leur passé. C’est ce qu’il a réussi à établir sur le dossier rwandais, et les autorités du pays ont salué cette démarche. C’est ce qu’il a entamé sur la guerre d’Algérie, mais cette fois, la volonté de Paris de regarder l’histoire se heurte encore à l’intransigeance des Algériens. Pour apaiser un conflit et refermer une blessure, il faut être deux.